Les acteurs économiques tels que les sociétés financières et les entreprises multinationales, souvent présentés comme dominants, sont-ils vraiment tout-puissants et tirent-ils les ficelles de la politique mondiale ?
Le contexte
Une des caractéristiques majeures de la mondialisation économique contemporaine qui s’est enclenchée à partir des années 1970 et qui s’est accélérée dans les années 1990 a été l’affirmation des firmes transnationales, ces entreprises qui gèrent plusieurs filiale à étranger à partir de leur siège social dans leur pays d’origine. Elles ont vu dans l’ouverture internationale un moyen de retrouver du profit.
Les années 1970-1980 ont été aussi marquées par la déréglementation du secteur financier qui a permis un essor sans précédent des activités des banques et l’apparition de nouvelles institutions financières non bancaires comme les fonds de pension, les fonds d’investissement, les compagnies d’assurance…Enfin la révolution numérique des années 1990-2000 a fait naître des nouvelles entreprises dont les plus importantes sont les grandes firmes américaines, les GAFAM, qui sont devenues en quelques décennies des leaders mondiaux.
Leur puissance économique et financière et leur position centrale dans les flux mondiaux font qu’ils peuvent être considérés comme les véritables constructeurs de la mondialisation. De ce fait, elles ont surtout réussi à influencer les règles économiques mondiales en faisant pression sur les organisations internationales et en imposant leur loi aux États. Ces acteurs ont donc été présentés comme les nouveaux maîtres du monde.
Une influence réciproque
La place centrale dans l’économie de ces acteurs fait que ces derniers sont courtisés par les États. Leur présence est en effet indispensable pour rester compétitif, pour créer de l’emploi et pour se développer. Les États se sont dès lors transformés en États mondialisateurs ou « market making state », (Jonah Levy, The State after Statism, 2006). Ils ont par exemple permis le développement des zones franches et autres avantages fiscaux, l’assouplissement du droit social, le moindre contrôle sur les investissements et la construction des infrastructures. Les acteurs économiques font aussi pression sur les États pour empêcher les réglementations plus restrictives (après les crises financières par exemple).
Les États se financent également de plus en plus auprès des marchés financiers qui sanctionnent les mauvaises politiques économiques. De plus, ils sont placés sous la surveillance des agences de notation. Enfin, les acteurs privés essaient également de contourner les États en utilisant les paradis fiscaux.
Cependant, l’État a encore du pouvoir. Et depuis la crise financière, ce pouvoir s’est même renforcé sous la pression des opinions publiques. Les États tentent en effet d’imposer des réglementations plus strictes comme la loi Dodd Frank aux États-Unis sur les banques en 2010, le projet de taxe sur les GAFAM en France en 2019, ou encore les pressions exercées par Donald Trump sur les entreprises américaines pour relocaliser. De plus, les États protègent leurs entreprises nationales contre le rachat par des sociétés étrangères au nom de la protection de secteurs stratégiques pour l’emploi, l’innovation, la souveraineté économique, ou encore la sécurité. Ils possèdent parfois, comme en France, des participations minoritaires dans les entreprises. Enfin, dans les pays émergents, le secteur public demeure important. C’est le cas de la Chine ou de la Russie où les grandes entreprises ont une relation symbiotique avec le pouvoir politique.
Une collaboration/négociation plutôt qu’une confrontation
Plutôt qu’une simple imposition des décisions par les acteurs économiques, les relations avec les autres acteurs suivent en réalité une logique de négociation permanente dans laquelle les acteurs privés ne l’emportent pas toujours. On a en effet une convergence des intérêts des États et de ceux des acteurs économiques: défense des GAFAM par le gouvernement américain et des BATX par les Chinois; politiques de champions nationaux (France, émergents): milieu commun entre dirigeants politiques et économiques.
Avec les acteurs non-étatiques et avec les organisations internationales, on retrouve également de nombreuses coopérations par lesquelles les FTN et les banques prétendent améliorer leur image. Par exemple, grâce au Global Compact de L'ONU (2000), les organisations internationales tentent de moraliser les pratiques des FTN. Idem avec les GAFAM dont les dirigeants développent des fondations (Bill Gates) ou veulent agir pour l’environnement (Jeff Bezos).
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