La Biélorussie, ou Bélarus selon les opposants au régime, est un pays aussi jeune que fascinant. Se détachant de l’URSS en 1991, le pays a depuis été en proie à une histoire politique mouvementée, incarnée aujourd’hui par son président polémique Alexandre Loukachenko, au pouvoir depuis 1994. Réélu le 9 août 2020 pour un 6ème mandat, la vague de manifestations, d’une ampleur alors jamais vue dans cet Etat, avait provoqué l’émoi de la communauté internationale.
Des manifestations aux goûts de liberté et de sang
Les manifestations de 2020 et de 2021, aussi connues sous le nom de “révolution des pantoufles”, émanent de la volonté profonde du peuple pour des changements structurels et d’une soif de démocratie. Par ailleurs, la pandémie de Covid-19 et la non-gestion de cette crise par Loukachenko ont été un véritable déclencheur de la colère du peuple, qui demande au gouvernement de rendre des comptes.
La figure incarnant cette rébellion ? Svetlana Tsikhanovskaïa et son mari, Sergueï, qui a par ailleurs été condamné le 14 décembre 2021 à 18 ans de prison. Svetlana Tsikhanovskaïa s’était présentée aux élections présidentielles après l’arrestation de son mari, blogueur et fervent opposant au pouvoir en place. Si le gouvernement de Loukachenko assure que les élections se sont passées démocratiquement, la communauté internationale en doute fortement et exige des réponses claires de la part du président Biélorusse.
Le bilan de ces manifestations est lourd. On décompte en effet au moins 4 morts et 4 000 blessés au cours des manifestations qui ont eu lieu un peu partout dans le pays. Minsk a toutefois été le principal théâtre de ces manifestations, montrant certaines images d’une rare violence dont un manifestant abattu par la police biélorusse. De surcroît, l’arrestation le 23 mai 2021 du journaliste Roman Protassevitch, après avoir détourné un vol Ryanair Athènes-Vilnius, a clarifié une fois de plus la position du gouvernement biélorusse, continuant à diriger le jeune État d’une main de fer.
Une communauté internationale divisée
Le clivage de la communauté internationale est un symbole du rôle central, au sens propre du terme, de la Biélorussie. Si l’Occident a très largement condamné les agissements d’Alexandre Loukachenko, soutenant les manifestants et émettant des condamnations à l’encontre de la Biélorussie, d’autres pays, comme la Russie, la Chine ou la Turquie, ont approuvé la réélection de Loukachenko. L’Union Européenne a alors imposé le 24 juin 2021 des sanctions économiques à l’encontre de la Biélorussie.
Cependant, la Biélorussie, par sa position géographique et par le jeu des alliances, possède des moyens de pression sur l’Europe notamment via l’immigration. En effet, la Biélorussie a accueilli de très nombreux migrants, en provenance du Proche et du Moyen-Orient. Elle peut dès lors, comme la Turquie le fait, mettre la pression sur l’Europe. Ainsi, on a vu début 2022 40 000 tentatives de franchissement de la frontière polonaise depuis la Biélorussie, ce qui a alerté la communauté européenne, qui voit cela comme une attaque proférée par Minsk à l’encontre de l’Union Européenne.
Les ambiguïtés de la relation entre la Russie et la Biélorussie
La relation Biélorussie-Russie est une relation assez particulière. Vladimir Poutine s’est félicité des rapports que son pays entretient avec la Biélorussie en mai dernier, mais ne compte néanmoins pas intervenir militairement pour mater les manifestants. Il y a des raisons géopolitiques à cela. Contrairement à la Géorgie (2008) ou à l’Ukraine (2014), les opposants n’ont pas développé de sentiment « antirusse », qui pourrait apparaître en cas d’intervention. Par conséquent, le problème biélorusse est bien plus interne et ne concerne pas ou peu les acteurs extérieurs.
La relation Poutine/Loukachenko n’est par ailleurs pas aussi idyllique que l’on pourrait penser. La Biélorussie, via Loukachenko, tient à sa souveraineté nationale et le président biélorusse s'est montré parfois réticent, voire contraignant pour la Russie, en refusant notamment l’installation d’une base militaire aérienne russe.
Aujourd’hui, Loukachenko est dans une position délicate. S’il veut se maintenir au pouvoir, il devra compter sur un soutien russe, qui atteindra nécessairement à la souveraineté de la Biélorussie, ce qui était pourtant la ligne directrice de Loukachenko depuis son arrivée au pouvoir. Après 26 ans à la tête du pays, Alexandre Loukachenko se retrouve aujourd’hui face à une population qui veut du changement dans le paysage politique et une communauté internationale prudente, avec des alliés peu enclins à le maintenir coûte que coûte et une Union Européenne qui ne compte pas non plus intervenir géopolitiquement, au risque de créer une Ukraine 2.0, qui a fortement fragilisé ses relations avec la Russie.
Crédit photo 1 : Wikimedia Commons, No change made, LK - Birutės Ulonų Batalionas, Creative Commons Zero, Public Domain Dedication
Crédit photo 2 : Wikimedia Commons, No change made, The Presidential Press and Information Office, Creative Commons Attribution 4.0
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