Par Rita Sidki
Le 6 mars 2020, une jeune femme sri-lankaise Ratnayake Liyanage Wishma Sandamali décède dans un camp de détention de réfugiés. Ce drame a provoqué beaucoup de remous au sein de l’opinion publique et du Parlement.
Une mort tragique
Cette dernière était détenue par les services de l’immigration dans le centre de Nagoya. Elle souffrait de problèmes gastriques et avait perdu énormément de poids en peu de temps. Toutefois, les services de l’immigration la soupçonnaient de feindre d'être malade pour ne pas se faire expulser. Ils ont refusé qu’elle se fasse hospitaliser malgré les recommandations des médecins.
Mme Sandamali était âgée de 33 ans. Elle s’était installée au Japon avec un visa d’étudiant en 2017. Elle a perdu son statut d’étudiante en 2018 et par conséquent, son titre de séjour. Sa demande d’obtention du statut de réfugié lui a ensuite été refusée. En août 2020, la police découvre qu’elle était en situation irrégulière après qu’elle ait porté plainte pour violences conjugales. Sa détention durera jusqu’à son décès.
Les deux sœurs de la défunte se sont rendues au Japon la semaine dernière pour assister aux funérailles et demander des explications. Elles réclament l’accès aux vidéos de leur sœur en cellule, cependant les autorités refusent de les diffuser pour des questions de sécurité. Elles ont précisé qu’elles ne rentreront pas au Sri Lanka avant de les avoir visionnées.
Le traitement des réfugiés sur le territoire japonais
Le dispositif japonais de traitement des demandes d’asile est désormais vivement critiqué. Lorsque la demande d’asile est refusée, le réfugié risque d’être expulsé et s’il refuse de quitter le territoire, il est placé en détention indéfiniment.
En 2019, le responsable de l’immigration au sein du ministère de la justice, Shoko Sasaki, déclarait : « Nous sommes obligés d’expulser, nous ne voulons pas dans notre pays de ces personnes qui sont en détention ». En 2020, seuls 47 des 3 936 réfugiés demandant l’asile l’ont obtenu. L’ONG Human Rights Now accuse des violations des droits humains dans les centres d’immigration ainsi que des détentions arbitraires.
Aujourd’hui, 1 500 personnes vivent dans ces centres. Elles sont principalement originaires du Moyen-Orient, d’Afrique et d’Asie du Sud. Depuis 1997, 24 détenus sont morts. De nombreuses grèves de la faim pour dénoncer les conditions de détention ont eu lieu.
Il y a eu un rassemblement à Nagoya le 16 mai pour demander l’abandon des révisions de loi sur le contrôle de l’immigration et la reconnaissance des réfugiés. Le drame a en effet eu un fort écho médiatique au Japon, à tel point que le gouvernement a renoncé à son projet d’amendement de la loi de 1951 sur la politique migratoire. L’objectif de cet amendement était de limiter les longues détentions, ce qui devait améliorer en théorie le sort des détenus. Cependant, il allait en réalité durcir les conditions de détention et d’accès au droit d’asile.
L’avocate Yuko Kono estime que le texte prévu allait renforcer le pouvoir des bureaux d’immigration et faciliter les processus d’expulsion. Ce projet de loi était également critiqué pour ne pas répondre au principe de non-refoulement de l’agence des Nations Unies pour les réfugiés qui interdit « les expulsions de quelque manière que ce soit, d’un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté seraient menacées ».
Un pays hostile à l’immigration
Le Japon a pendant longtemps limité l’entrée de réfugiés sur son territoire. Les détentions dans des centres d’immigration sont un moyen de faire pression sur les réfugiés qui sont considérés comme des délinquants.
En 2018, le Comité des Nations Unies pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD) avait recommandé au japon de mettre en place une période maximale de détention des migrants.
Une loi datant d’avril 2019 a toutefois été passée dans le but de faciliter la présence de travailleurs étrangers sur le territoire afin de combler la pénurie de main-d'œuvre.
L’impérialisme colonial qu’exerçait le Japon pendant les années 1930 se basait sur l’idéologie de la suprématie de la « race » nippone. Bien que la problématique du racisme commence à prendre place dans le débat public aujourd’hui, elle reste encore largement ignorée notamment concernant les discriminations des minorités et l’exclusion des Japonais métis. La championne japonaise et haïtienne Naomi Osaka a dénoncé à plusieurs reprises les discriminations raciales au Japon. En effet, un spot publicitaire de son sponsor Nike, dénonçant le racisme diffusé au japon en décembre 2020 a été vivement critiqué par certains internautes qui l’accusent de « porter atteinte à la dignité du Japon ».
Crédit photo 1 : Lance Cpl. Shannon Kroening/ Wikimedia Commons, no change made / Public Domain
Crédit photo 2 : U.S. Navy photo by Photographer's Mate 3rd Class Travis M. Burns/ Wikimedia Commons, no change made / Public Domain
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