Par Rita Sidki
A la suite d’une décision de la Cour de justice européenne, l’agence européenne de garde-frontières Frontex a annoncé le mercredi 27 janvier qu’elle allait suspendre ses opérations en Hongrie. Le 17 décembre 2020, la Cour de justice a en effet déclaré que la Hongrie « a manqué à son obligation d’assurer un accès effectif à la procédure d’octroi de la protection internationale ». Il s’agit d’un non-respect des directives européennes sur le droit d’asile.

Les faits
La Cour avait déjà prononcé un premier jugement en défaveur des actions que mène La Hongrie contre les migrants en avril 2020. Le pays avait refusé d’appliquer le quota d’accueil de réfugiés mis en place dans le cadre du programme de répartition des demandeurs d’asile entre Etats-Membre en 2015.
C’est la première fois que l’agence décide de ne plus coopérer avec un pays de l’UE. Elle participait pourtant à la politique hongroise depuis 2015 et c’est suite aux nombreuses critiques qu’elle a reçues qu’elle a mis un terme à la collaboration.
Malgré cette décision, le gouvernement hongrois a affirmé qu’il ne modifierait pas sa politique migratoire.
Politique migratoire hongroise
Par cette décision, Frontex, et par conséquent, l’Union Européenne, affiche sa volonté de se désolidariser de la politique migratoire hongroise.
Cette dernière figure déjà parmi les plus strictes d'Europe et comprend plusieurs volets. Il n'est plus possible de déposer une demande d'asile dans le pays, il faut désormais passer par une ambassade hongroise à l'étranger. De plus, il est interdit aux demandeurs d’asile de demeurer en Hongrie durant l’examen de leur dossier.
Une loi adoptée en 2016 favorise l’expulsion de migrants en provenance de Serbie. En particulier, la Hongrie est accusée d’être impliquée dans des « pushbacks ». Il s’agit de refoulements illégaux de migrants et demandeurs d’asile aux frontières, ces derniers sont repoussés dès leur arrivée sans qu’ils aient la possibilité de déposer une demande d’asile. Enfin, de nombreux cas de détention de migrants dans des « zones de transit » ont été révélés ces dernières années malgré le fait que la Cour de justice de l’UE ait imposé leur fermeture.
L’actuel Premier ministre ultranationaliste hongrois, Viktor Orbán, a obtenu son poste en 2010 et a été réélu à plusieurs reprises. Il a toujours adopté une position ferme vis-à-vis de l’immigration.
La décision de Frontex de cesser tout partenariat avec la Hongrie s’ajoute aux critiques et procédures juridiques de l’Union Européenne contre la Hongrie concernant sa politique migratoire.

En juin 2020, l'avocat général de la Cour de justice de l'Union européenne s'est prononcé en faveur d'un recours en manquement introduit par la Commission européenne contre la Hongrie. Il relève qu'une grande partie de la réglementation hongroise en matière de droit d'asile et de retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier est contraire au droit de l'Union.
La Hongrie a expulsé plus de 4400 migrants entre la date du jugement de la Cour et le 26 janvier 2021 d’après le Comité Helsinki hongrois, une ONG d’aide aux migrants. L’ONG comptabilise également 50 000 refoulements depuis 2016.
Le sujet de l’immigration dans l’UE
Frontex est l’agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes de l’Union Européenne. Elle a été fondée en 2004 et a pour objectif de surveiller la situation aux frontières extérieures pour repérer les problèmes et trouver des solutions notamment concernant la gestion des flux migratoires.
Le budget pluriannuel de l’agence Frontex est de l’ordre de 5,6 milliards d’euros. Elle joue donc un rôle central dans le cadre de la politique migratoire européenne.
Cinq ans après la vague migratoire de 2015, une grande partie des Etats membres de l’Union ont fortifié leurs frontières. Depuis 2018, les flux de migrants clandestins transitent désormais de plus en plus par la Bosnie-Herzégovine. Concernant la situation des migrants en Bosnie et l’insalubrité des camps où ils vivent, l’UE avait annoncé le 3 janvier 2021 qu’elle augmenterait ses fonds d’assistance humanitaire pour leur venir en aide.
L’agence Frontex a été accusée par plusieurs médias ces derniers mois d’avoir été impliquée dans des cas de refoulement en mer de bateaux de demandeurs d’asile. D’après les investigations menées, l’agence était au courant des pratiques illégales des gardes-frontières grecs et certains de ses responsables ont été directement impliqués.
Aujourd’hui, dans le cadre du projet de « pacte pour la migration », l’UE cherche à renouer des accords entre Etats membres et instaurer des contrôles plus justes et efficaces.
Dans le cadre du projet Border Violence Monitoting Network, un groupe d’ONG a récemment publié un « livre noir » qui recense une multitude de cas de violations des droits de l’homme depuis 2016 dans le cadre des politiques migratoires menées par certains Etats européens. Il s’agit principalement de la Hongrie, la Grèce, l’Italie ou encore la Slovénie.
Crédit photo 1 : Noborder Network/ Wikimedia Commons, no change made / CC BY-SA 4.0
Crédit photo 2 : Rock Cohen / Wikimedia Commons, no change made / CC BY-SA 4.0
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