Par Rita Sidki
Le journaliste Omar Radi, en détention préventive depuis juillet 2020, est visé par trois accusations dans des affaires de viol et d’espionnage jugées par la chambre criminelle de la cour d’appel de Casablanca. Ces défenseurs demandent sa mise en liberté et dénoncent les atteintes à la liberté d’expression répétitives des autorités.
Un procès qui divise
Omar Radi est un journaliste d’investigation marocain âgé de 34 ans, il est un défenseur des droits humains au Maroc et critique ouvertement le régime. Il s’est notamment fait remarquer pour ses enquêtes sur la corruption et les expropriations foncières dans le pays. Son procès s’est ouvert le mardi 6 avril 2021 à Casablanca mais a été repoussé au 27 avril. Durant cette audience, ses avocats ont demandé qu’il soit remis en liberté mais les juges n’ont toujours pas donné de réponse à cette requête.
Il est visé par trois accusations : viol, réception des financements étrangers et d’avoir porté « atteinte à la sécurité intérieure de l’Etat ».
En soutien envers le journaliste, un sit-in a été organisé devant le tribunal où s’est déroulée l’audience. De nombreuses organisations de défense des droits humains demandent aux autorités marocaines de lui accorder la liberté provisoire le temps de la procédure juridique. Les défenseurs du journaliste dénoncent les attaques répétitives de l’Etat contre la liberté de presse et les opposants politiques. L’ONG Human Right Watch (HWR) est particulièrement impliquée dans cette affaire.
L’enquête pour viol a été ouverte en juillet 2020, à la suite de la plainte de sa collègue du journal Le Desk Hafsa Boutahar. Un de ses confrères journalistes, Imad Sitou, va lui aussi être jugé pour « participation au viol ». Concernant l’enquête pour espionnage, elle concerne certaines informations transmises au journaliste dans le cadre de son activité. Elle a été ouverte en juin 2020 à la suite de la publication d’un rapport d’Amnesty International qui déclarait que les conversations d’Omar Radi étaient sous surveillance des autorités.
La liberté de la presse au Maroc
Les porte-parole de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord de l’HRW ont déclaré dans un communiqué publié en septembre 2020 que « Désormais, les poursuites apparemment truquées contre des journalistes critiques figurent en bonne place dans le manuel des autorités marocaines pour étouffer toute contestation ». L’HWR a tout de même précisé que la collègue qui l’a accusé de viol « a le droit d’être entendue et respectée ».
Les autorités marocaines pointent du doigt des relations que le journaliste aurait nouées avec des « agents étrangers » dans l’objectif de « nuire à la situation diplomatique du Maroc ». Elles démentent par ailleurs avoir espionné les conversations téléphoniques du journaliste.
Omar Radi a déjà été condamné à une peine de quatre mois d’emprisonnement avec sursis en 2019. Il était poursuivi pour « outrage à magistrat » après avoir publié un tweet déclarant « Ni oubli ni pardon avec ces fonctionnaires sans dignité ». Ses propos ciblaient les magistrats qui avaient prononcé de lourdes peines contre les dirigeants du mouvement « Hirak » dans la région du Rif.
Pourtant, un nouveau Code de la presse ne prévoyant plus de peines de prison est entré en vigueur en 2016 au Maroc, mais les journalistes continuent d’être poursuivis selon le Code pénal, au même titre que des internautes pour des écrits sur les réseaux sociaux.
En 2011, dans la foulée des printemps arabes, sous la pression du mouvement de protestations au Maroc nommé « Mouvement du 20 février », une réforme constitutionnelle a eu lieu. Le mouvement est le premier à avoir protesté fortement contre les conditions sociales depuis la succession du monarque Mohammed VI au trône en 1999.
Dans son dernier classement annuel sur la liberté de la presse, l’ONG Reporters Sans Frontières a classé le Maroc 135ème sur 180 pays.
Le mouvement populaire du Rif et ses conséquences
Le Hirak est un mouvement de contestation qui a secoué la région du Rif en 2016 et 2017. La mort tragique de Mouhcine Fikri, vendeur de poisson broyé dans une benne à ordures en tentant de sauver sa marchandise confisquée par les forces de l’ordre provoque un mouvement d’indignation dans la ville d’Al-Hoceïma. Ce drame marque le début d’une révolte sociale qui dénonce les inégalités économiques et sociales, l’insalubrité de certaines infrastructures dans la partie la plus pauvre de la région et le fait d’être marginalisé et négligé par les autorités. Au printemps 2017, des restrictions du droit à manifester et une répression orchestrée par les forces de l’ordre est mise en place.
Des centaines de militants, dont les leaders présumés, ont été arrêtés. En juin 2018, 53 militants ont été condamnés à jusqu’à vingt ans de prison.
La gestion de la contestation au Rif a été fortement critiquée par les militants des droits humains, les ONG, les partis de gauche marocains mais aussi par la communauté internationale. Ces évènements symbolisent la dureté du régime vis-à-vis de la liberté d’expression et des libertés politiques.
Crédit photo 1 : Josebawar / Wikimedia Commons, no change made / Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0
Crédit photo 2 : Lamyaachary / Wikimedia Commons, no change made / Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0
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