La Cour Pénale Internationale (CPI) annonce officiellement le lancement d’une enquête concernant les milliers de Philippins tués dans le cadre de l'opération antidrogue -opération lancée par le président Rodrigo Duterte. Ce dernier n’entend pas coopérer. Cependant, Maia Ressa, journaliste ayant obtenu un prix Nobel pour avoir couvert ces événements, fait face aujourd’hui à de nombreuses critiques, voyons pourquoi.
Ascension au pouvoir sur une politique antidrogue.
L’archipel des Philippines est un haut lieu de production et de consommation de drogue. La méthamphétamine, le cannabis ou l’opium pèsent sur la sécurité des citoyens et remplissent les prisons du pays. Chaque jour, on compte environ 150 assassinats qui sont en quasi-totalité liés à la drogue. Ils se produisent en majorité à Manilles. Les gangs font en effet la loi dans certains quartiers et prisons de cette capitale surpeuplée. Dans ce contexte, Rodrigo Duterte incarne aux yeux de beaucoup d’habitants, un héros qui sauvera le pays.
R.Duterte est connu dans le pays car il a réussi à sécuriser la ville de Davao où il était maire de 2001 à 2010 - avec un système de caméras publiques, la mise en place d'un système d’urgences gratuit et efficace, et les exécutions extrajudiciaires. Il devient alors président le 30 juin 2016 en promettant d’être impitoyable face au trafic de drogue qui gangrène le pays. Dès son investiture, Duterte s’attaque aux quartiers de Manilles les plus touchés par la drogue, mais il le fait avec un traitement sans pitié.
Un président qui reste populaire malgré un bilan mitigé.
Dès sa prise de fonction, le ton est donné. Le 30 septembre 2016, il exprime très clairement sa volonté de s’en prendre aux consommateurs de drogues. La méthode est particulièrement meurtrière: les agents abattent dans les villes toute personne soupçonnée d’être en lien avec le monde de la drogue. Ainsi, le gouvernement reconnaît le décès 6000 personnes et la CPI estime le total de morts d’atteindre 12 000. L’association phillippine Rise Up, qui est chargée de mettre en lumière ces meurtres, affirme que les personnes tuées sans être jugées sont en grande majorité des consommateurs de drogues vivant dans la pauvreté.
Malgré ses méthodes meurtrières, le président continue d’être très populaire chez toutes les catégories sociales. C’est le cas pour la population de certains bidonvilles de Manilles où la criminalité a baissé de 50% depuis la présidence de Duterte. Face à ce succès, il fait savoir deux choses : il annonce sa candidature à la vice-présidence en août 2021 ; il expose au maximum sa fille Sara Duterte-Carpio, la maire actuelle de Davao, chose qui signifie que cette dernière pourrait bien se présenter aux prochaines présidentielles. Tous ces faits passent très mal chez la communauté internationale.
La communauté internationale tire la sonnette d’alarme.
Dès les premiers mois de son élection en tant que président, l’opinion mondiale s’indigne. L’indignation générale s’accentue lorsque Amnesty International publie un rapport le 31 janvier 2021. Ce rapport qui fait le point sur les crimes commis par le gouvernement philippin incitait déjà la CPI à ouvrir une enquête pour voir s’il y a là un crime contre l’humanité. La CPI a fini par annoncer ce mercredi 15 septembre l’ouverture de l'enquête. Cependant, les Philippines ont quitté le Statut de Rome le 17 mars 2018 et Rodrigo Duterte n'entend pas coopérer avec l’institution.
Peu d’évolutions sont donc en vue concernant cette guerre contre la drogue. Ainsi, la polémique autour de la nomination de Maria Ressa n’est qu’une mise en évidence de la popularité de Rodrigo Duterte et de sa politique antidrogue. Cependant, en analysant le parcours de Maria Ressa, on peut souligner que la situation du président n’est pas si solide. Ayant vécu dans le New Jersey plus d’une dizaine d’années, Maria Ressa a longtemps fait partie de la diaspora philippine (l’une des plus nombreuses au monde). En ce sens, Maria Ressa pourrait aussi devenir la porte-parole de la diaspora philippine qui s’applique à défendre la démocratie lorsqu’elle est en danger dans son pays d’origine.
Crédit photo 1 : Io Herodotus, wikimedia Commons, no change made, Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0
Crédit photo 2 : Wikimedia commons, no change made, alsiasi, Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0
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