Le mardi 10 novembre 2020, le très populaire président Martin Vizcarra est renversé par le Parlement. Cinq jours plus tard, le président désigné par intérim, Manuel Merino, démissionne sous la pression de la rue, révoltée par la destitution de Martin Vizcarra. Le parlement renvoie donc Merino et élit le troisième président péruvien de la semaine.
Des élections historiques
Pour régler cette situation d’instabilité présidentielle, les Péruviens organisent des élections libres en juin 2021. Ces élections représentent un véritable tournant dans l’histoire du pays. En effet, elles opposèrent Keiko Fujimori face à Pedro Castillo. Keiko Fujimori est la fille héritière d’un président emblématique des années 90 en Amérique latine : néo-libéralisme économique, stabilité et autoritarisme.
Pedro Castillo, lui, est à l’inverse “un péruvien comme les autres”, candidat du parti marxiste-léniniste il prône une politique socialiste et une lutte contre la corruption. En élisant ce dernier, même à 50,1% des voix, les Péruviens ont tourné une page de leur histoire politique qui avait, jusqu'à ces dernières années, surtout favorisé la droite au pouvoir. Les scores ont cependant été suffisamment serrés pour laisser présager d’importantes difficultés à unifier le pays et la classe politique pour M. Castillo.
Violent renvoi du Premier ministre
À la suite de sa prise de pouvoir, le nouveau président Pedro Castillo avait nommé un Premier ministre du parti marxiste-léniniste, comme lui, Guido Bellido. Cependant, moins de deux mois plus tard il força celui-ci à démissionner au profit d’une avocate issue d’une gauche plus modérée, Mirtha Vasquez.
Parmi les nombreuses raisons de ce changement de chef de gouvernement, on peut citer : l’accusation de corruption contre Guido Bellido ; l’opposition constante de Guido Bellido et du président Castillo. Les deux hommes se contredisent l’un l’autre dans des déclarations espacées de quelques jours à peine. Surtout, le désir de Castillo de rallier une part plus importante de la classe politique à son gouvernement, ce que lui permet de faire une Première ministre modérée.
Débat mémoriel sur la dépouille d’un chef révolutionnaire
À cette situation troublée, vint s’ajouter le décès d’Abimaël Guzman, chef maoïste de la guérilla péruvienne. Pour les uns il sera à jamais “le Pol-Pot des Andes”, et le chef révolutionnaire le plus sanguinaire d’Amérique Latine. Pour les autres, il reste, dans un pays gangréné par l’injustice sociale, un héros des pauvres et des révoltés. La classe politique et la société péruvienne toute entière se sont divisées pendant des jours au sujet de ses funérailles. Le gouvernement souhaitait en effet faire disparaître le corps pour éviter que sa tombe ne devienne un lieu de pèlerinage pour ses sympathisants. Ils obtinrent gain de cause puisque le corps de Guzman fut enterré en secret.
Du débat mémoriel soulevé par la mort de Guzman aux élections de juin, l’actualité récente met plus que jamais en lumière la division du pays. Celle-ci est certes idéologique, mais elle prend racine dans une opposition géographique entre la capitale de Lima et les régions. Castillo est arrivé en tête dans 16 des 24 régions du pays, et dans les petits villages des Andes, il remporte même des scores de près de 80%. La capitale en revanche, qui regroupe le tiers de la population péruvienne, a voté majoritairement pour Fujimori, héritière de la politique centralisée et tournée vers l’international. Castillo a donc la délicate mission de devoir honorer ses promesses vis-à-vis des campagnes qui l’ont élu, sans aliéner la capitale d’où il est supposé gouverner.
Perspectives prochaines
Désormais une certaine stabilité politique peut être attendue. C’est du moins l’espoir du président Castillo suite à son changement de Premier ministre. Il a récemment déclaré au Parlement vouloir mettre en suspens les batailles idéologiques pour redresser ensemble la situation économique du pays, très endommagée par la crise de la Covid-19. Il aura cependant à jouer un jeu d’équilibriste pour, d’une part, rallier la moitié du pays qui vota pour la droite populiste en juin dernier, et d’autre part, éviter d’être évincé par le Parlement comme le fut le dernier président socialiste et populaire, il y a moins d’un an.
Crédit photo : Wikimedia commons, Casa Rosada, Creative Commons Attribution 2.5
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