Les conséquences géopolitiques du réchauffement climatique
- Lola Vigier
- il y a 5 jours
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Selon la Banque Mondiale, si rien n’est fait, il y aura plus de 140 millions de migrants climatiques en Afrique subsaharienne, en Asie du Sud et en Américain latine d’ici à 2050. Ainsi, les migrations climatiques font partie d’une des nombreuses questions soulevées par le réchauffement climatique. Ce dernier a effectivement des conséquences géopolitiques majeures, peut-être encore sous-estimées aujourd'hui, et pourrait conduire à une transformation profonde des équilibres géopolitiques existants.
Le réchauffement climatique désigne les variations des températures et des conditions météorologiques sur le long terme. Ces variations peuvent être un phénomène naturel, mais depuis le début du XIXème siècle, elles résultent principalement de l’activité humaine, notamment de l’utilisation des combustibles fossiles qui produisent des gaz à effet de serre.
Ce changement climatique s’accélère depuis le début du XXIème siècle. Ainsi, 2024 est devenue l’année la plus chaude jamais enregistrée avec une température supérieure d’1,5°C aux valeurs préindustrielles. Dès lors, les conséquences de ce réchauffement sur la géopolitique risquent de s’intensifier rapidement au cours des prochaines années.
Cet article propose alors d’explorer les multiples facettes de cette problématique, en mettant en lumière les conséquences géopolitiques du climat à travers différents axes.
Impact du changement climatique sur les ressources naturelles
Tout d’abord, le changement climatique a un impact significatif sur les ressources en eau, réparties inégalement à travers le monde. La pénurie d’eau devient de plus en plus récurrente dans de nombreuses régions, le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord étant particulièrement concernées. Ce phénomène est exacerbé par la diminution des précipitations et l’augmentation des températures. Ainsi, en Afrique du Nord, le Nil est source de conflit entre l’Égypte, le Soudan et l’Éthiopie avec la construction du Grand Barrage de la Renaissance qui menace l’approvisionnement en eau de l’Égypte, d’autant plus que le pays craint de ne plus avoir accès à l’eau potable en raison de l’intensification des sécheresses.
De plus, le changement climatique menace la sécurité alimentaire. En effet, les phénomènes météorologiques extrêmes sont de plus en plus récurrents et intenses réduisant, voire anéantissant les récoltes. De plus, le phénomène de désertification contribue aussi à l’appauvrissement des sols. Ainsi, selon la FAO, 183 millions de personnes sont en stress alimentaire dont 73 millions vivent en Afrique. Par exemple, le Sahel subit de plein fouet les effets du changement climatique avec des sécheresses de plus en plus fréquentes et intenses. En 2022, une sécheresse sévère a fortement réduit les récoltes de mil et de sorgho, deux cultures essentielles pour les sahéliens. La pénurie de ces denrées a donc entraîné une forte augmentation des prix alimentaires.
Enfin, le réchauffement de la planète affecte profondément la répartition et l’exploitation des ressources énergétiques et minières, en particulier la fonte des glaciers et de la banquise arctique. Cela ouvre l‘accès à des gisements auparavant inaccessibles de pétrole, de gaz et de minerais rares. Par exemple, dans l'Arctique, le recul de la glace permet aux grandes puissances comme la Russie, les États-Unis et le Canada d’explorer et d’exploiter de nouvelles réserves d’hydrocarbures. Cette situation suscite des rivalités pour le contrôle de ces ressources, comme en témoigne la militarisation croissante de la région et les tensions entre États riverains concernant la délimitation des zones d’exploitation.
FOCUS – Les enjeux géopolitiques du réchauffement climatique en Arctique
Le réchauffement climatique transforme progressivement la donne géopolitique dans l'Arctique. Après des siècles de marginalisation, cette région a brièvement attiré l'attention mondiale durant la Seconde Guerre mondiale et la guerre froide, notamment en raison de la présence de bâtiments équipés d'armes nucléaires. Mais, suite à la fin de la guerre froide, l'Arctique est redevenue périphérique dans les raisonnements stratégiques. Aujourd'hui, l'intérêt pour cette zone repose non seulement sur des facteurs géostratégiques et militaires, mais aussi sur son potentiel en termes de ressources naturelles et son rôle dans le développement du commerce international.
Contexte historique et géopolitique
L'Arctique est un espace de tensions, marqué par des différends liés à la souveraineté sur les Zones économiques exclusives (ZEE) et les plateaux continentaux étendus, ainsi qu'au statut juridique des passages du Nord-Est et du Nord-Ouest. Ces différends pourraient peut-être à terme déboucher sur de véritables conflits si la coopération interétatique ne prend pas le dessus.
Cela génère des défis en termes de sécurité et de souveraineté. En effet, la fonte de la glace de mer ouvre de nouvelles routes maritimes, notamment le Passage du Nord-Ouest et la Route maritime du Nord. Ces nouvelles voies navigables réduisent alors les distances entre l'Asie, l'Europe et l'Amérique, augmentant ainsi l'intérêt stratégique. Les États côtiers, comme la Russie, le Canada, les États-Unis et les pays scandinaves, cherchent à renforcer leur contrôle et leur influence sur ces territoires, ouvrant ainsi la voie à de potentielles tensions. Dès lors, le Conseil de l’Arctique, créé en 1996 et composé de huit États membres (Canada, Danemark, États-Unis, Finlande, Islande, Norvège, Suède et Russie), permet à ces derniers d’aborder les questions politiques, environnementales et économiques que soulève l’exploitation de la région. Les réunions régulières permettent aux pays membres du Conseil de discuter des stratégies de gouvernance et de développement durable.
Intérêts russes dans l'Arctique
La Russie joue un rôle central dans l'Arctique, environ la moitié du pourtour de l’Océan Arctique étant sous sa juridiction , d’autant plus que sa flotte de brise-glaces nucléaires lui offre un accès inégalé à la région. De plus, elle conserve une grande partie de ses moyens de dissuasion stratégique dans l'Arctique, notamment sur la péninsule de Kola, une cible potentielle pour l'OTAN en cas de conflit. Cependant, parmi les "cinq de l'Arctique" (Russie, États-Unis, Canada, Danemark et Norvège), la Russie est le seul pays qui n'appartient pas à l'OTAN.
Économiquement, la Russie est vulnérable dans l'Arctique en raison de l'importance de l'extraction offshore de pétrole et de gaz dans sa stratégie énergétique. Bien que l'activité offshore soit actuellement relativement faible, elle est amenée à augmenter de manière significative. Cependant, la Russie dépend des investissements, de la technologie et du savoir-faire des Occidentaux pour mener à bien ses projets d'expansion offshore, des ressources actuellement bloquées en raison de la crise ukrainienne.
Face à cette double vulnérabilité militaire et économique, la Russie mène une double stratégie dans l'Arctique. D'un côté, elle rouvre des anciennes bases militaires soviétiques et augmente le nombre d'exercices militaires pour montrer sa détermination à protéger ses intérêts. De l'autre, elle adopte une approche diplomatique conciliante, comme en témoigne sa participation à la Déclaration d'Ilulissat de 2008, qui engage les cinq États riverains de l'Arctique en faveur d'une résolution pacifique des conflits dans la région.
Intérêts des pays arctiques de l'OTAN
Les puissances de l’OTAN ont également des intérêts stratégiques importants dans cette région. Les États-Unis, bien que présents militairement dans l'Arctique avec leurs sous-marins nucléaires, ont longtemps été considérés comme le "géant endormi" de la région. Ils n'ont toujours pas ratifié la Convention des Nations unies sur le droit de la mer (CNUDM), le cadre juridique le plus important pour l'Arctique, et ne disposent que de deux brise-glaces en fonctionnement. Cette faible priorité accordée à l'Arctique se reflète dans leur politique d'éviter de provoquer Moscou dans cette région.
Le Canada, puissance moyenne de l'Arctique, tend à s'aligner sur les positions des États-Unis. Bien que le discours canadien sur la Russie ait évolué sous les gouvernements de Stephen Harper et Justin Trudeau, Ottawa s'oppose à l'implication de l'OTAN dans l'Arctique pour éviter une détérioration des relations avec la Russie.
Le Danemark, membre de l'OTAN, soutient une implication limitée de l'organisation dans l'Arctique. Le pays cherche à préserver la paix dans cette région tout en confirmant son alliance avec les États-Unis, notamment à travers la base militaire de Thulé au Groenland.
La Norvège, autre membre de l'OTAN, est un fervent défenseur d'une plus grande implication de l'OTAN dans l'Arctique. Elle partage une frontière avec la Russie et a signalé son intention de répondre à une présence militaire accrue de la Russie par un renforcement correspondant de ses forces armées.
Questions de souveraineté et ressources
L'Arctique est le théâtre de nombreux différends irrésolus et d'intérêts divergents, notamment concernant les ZEE et les plateaux continentaux étendus. Selon la CNUDM, chaque pays a droit à 370,4 kilomètres de ZEE au-delà de ses eaux territoriales et peut postuler pour l'extension de son plateau continental. Les principaux différends opposent la Russie, le Canada et le Danemark, qui doivent soumettre des preuves scientifiques à la Commission des Nations unies sur les limites du plateau continental.
Les passages du Nord-Est et du Nord-Ouest, ouverts par le réchauffement climatique, offrent de nouvelles opportunités pour le commerce international. Cependant, leur statut juridique est contesté. La Russie considère le passage du Nord-Est comme une voie maritime interne, tandis que les États-Unis et l'UE insistent pour le traiter comme une voie maritime internationale. La Chine, quant à elle, accepte la souveraineté de Moscou sur ce passage.
Rôle des puissances extérieures
L'Union Européenne et la Chine jouent un rôle important dans l'Arctique. L'UE cherche à équilibrer protection de l'environnement et développement économique, tandis que la Chine s'intéresse principalement à l'extraction de ressources comme le pétrole, le gaz et les terres rares. La Chine coopère ainsi avec la Russie dans ces domaines, mais son intérêt pour les terres rares du Groenland suscite des inquiétudes chez les Occidentaux.
Impacts socio-économiques
Les peuples autochtones, tels que les Inuits, les Samis et les Tchouktches, dépendent depuis des générations de la chasse, de la pêche et de l'élevage de rennes pour leur subsistance. La fonte des glaces perturbe ces activités, rendant plus difficile la chasse aux mammifères marins comme les phoques et les baleines, et affectant les stocks de poissons.
Les gouvernements et les organisations internationales jouent un rôle important pour soutenir ces populations vulnérables. Ainsi, le Forum Permanent sur les Questions Autochtones des Nations Unies permet d’aborder les défis rencontrés par les peuples autochtones, tels que l'accès aux terres ancestrales, la préservation des cultures et l’impact du changement climatique sur leurs modes de vie.
Ainsi, ce focus sur l’Arctique illustre la manière dont le réchauffement climatique modifie les équilibres géopolitiques mondiaux. La transformation d'une région autrefois marginale en un espace stratégique majeur reflète les défis globaux posés par le changement climatique, où les enjeux environnementaux, économiques et sécuritaires s'entremêlent.
Migration climatique et conséquences géopolitiques
Le changement climatique entraîne des migrations de populations à travers le monde, exacerbant les tensions géopolitiques et mettant sous pression les infrastructures des pays d'accueil. Ces mouvements de populations sont nommés migrations climatiques. Ces dernières renvoient ainsi aux déplacements de populations causés par des changements environnementaux et climatiques, tels que l'élévation des températures, les catastrophes naturelles et la dégradation des écosystèmes. Ces phénomènes rendent certaines régions inhabitables, menaçant la sécurité alimentaire, l'accès à l'eau et la santé publique. Les migrations peuvent être internes ou internationales, et posent des défis juridiques et humanitaires, car il n'existe pas de statut clair pour les "réfugiés climatiques". Ainsi, en Afrique subsaharienne les sécheresses et la désertification contraignent de nombreuses communautés rurales à migrer vers les centres urbains ou à traverser les frontières vers des pays voisins. C'est pourquoi, selon Jeune Afrique, en 2022, les catastrophes climatiques ont provoqué 7,4 millions de déplacés internes supplémentaires en Afrique subsaharienne.
Les migrations climatiques ne sont pas sans conséquences tant pour les pays d'origine que pour les pays d'accueil. D'une part, les pays d'origine voient leur main-d'œuvre diminuer, ce qui fragilise davantage leur économie locale, exacerbant ainsi la pauvreté et l'instabilité politique. D'autre part, les villes accueillant ces migrants voient leurs ressources s'épuiser rapidement, avec des logements, hôpitaux et écoles surchargés. Ainsi, l’augmentation des flux migratoires dus au climat peut engendrer des tensions sociales et politiques, comme en Europe, où l'afflux de réfugiés syriens, fuyant les sécheresses et les conflits, a mis en lumière les limites des politiques migratoires et provoqué des tensions entre États membres. Les camps de réfugiés climatiques se multiplient, souvent sans financement adéquat ni coordination pour répondre aux besoins de base. De plus, l'afflux de migrants peut exacerber les tensions avec les populations locales, particulièrement en période de crise économique, alimentant des politiques anti-migration et la montée des nationalismes et des mouvements xénophobes.
Changement climatique et sécurité nationale
Le changement climatique représente un défi majeur pour la sécurité nationale des États en raison de ses effets directs et indirects sur les infrastructures critiques, la stabilité sociale et les intérêts stratégiques. En effet, l'élévation du niveau de la mer menace les infrastructures côtières essentielles, telles que les ports et les bases militaires. Par exemple, la base navale de Norfolk aux États-Unis est régulièrement affectée par des inondations. De plus, les centrales électriques, notamment celles situées près des côtes ou des rivières, sont vulnérables aux tempêtes, aux vagues de chaleur et aux sécheresses prolongées, réduisant leur capacité de production et augmentant les risques de pannes généralisées. Les infrastructures de transport (routes, chemins de fer, aéroports) sont également exposées aux conditions climatiques extrêmes, ce qui peut perturber les chaînes d’approvisionnement stratégiques.
Face à ces menaces, les États développent diverses stratégies pour garantir leur sécurité et celle de leurs populations. Les pays cherchent en effet à adapter leurs forces armées aux nouvelles réalités climatiques, notamment en intégrant le climat dans la planification militaire à l’image du Département de la Défense américain qui a intégré les risques climatiques dans ses stratégies de défense et investit dans la résilience des bases militaires. De plus, la coopération internationale apparaît indispensable pour assurer une certaine sécurité climatique. C'est pourquoi l’OTAN reconnaît le changement climatique comme un « multiplicateur de menaces » et encourage la coopération entre ses membres pour mieux s’y préparer tandis que les Nations unies encouragent l’intégration des risques climatiques dans les politiques de maintien de la paix et de prévention des conflits. Ainsi des initiatives de coopération bilatérale et multilatérale émergent afin de renforcer la résilience des États les plus vulnérables. C'est dans cet objectif qu’a été présentée au Sommet de l'avenir des Nations unies à New York en septembre 2024 une déclaration conjointe entre le CESE (Comité économique et social européen) et l’ECOSOCC (Comité économique, social et culturel de l’Union africaine). Cette déclaration appelle à un système multilatéral renforcé, où la société civile est activement impliquée dans la gouvernance mondiale, l'action climatique et le financement du développement. Les deux institutions soulignent aussi la nécessité d'accélérer les progrès vers les objectifs de développement durable, d'assurer une transition équitable vers la neutralité climatique, de réformer le système financier mondial et de promouvoir l'égalité des sexes. Elles insistent également sur l'importance de l'engagement des jeunes et de l'innovation numérique pour façonner l'avenir de la gouvernance mondiale.
Gouvernance mondiale et accords climatiques
Les organisations internationales jouent un rôle crucial dans la coordination des efforts mondiaux pour lutter contre le changement climatique et ses impacts géopolitiques. Ainsi, le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) et la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) pilotent les négociations et la mise en œuvre des politiques climatiques mondiales. Par ailleurs, l’Union européenne se présente comme un leader dans la transition énergétique, imposant des normes strictes et finançant des projets de lutte contre le changement climatique dans les pays en développement. Ainsi, l’UE a voté une loi en 2021 qui permet de taxer chaque kilogramme de déchets d’emballages en plastique non recyclés. En outre, la Banque mondiale et le FMI jouent un rôle important en soutenant financièrement les pays les plus vulnérables pour renforcer leur résilience face aux changements climatiques. Ainsi entre avril 2020 et juin 2021, la Banque mondiale a engagé 8,4 milliards de dollars afin de mener 153 opérations dans 90 pays différents.
Les accords internationaux jouent un rôle crucial dans la lutte contre le changement climatique en établissant des cadres communs pour l'action mondiale. Cependant, malgré leur importance, ils présentent également des fragilités qui peuvent limiter leur efficacité. Tel est le cas de l’Accord de Paris de 2015, signé par 195 pays, qui vise à limiter le réchauffement climatique en dessous de 2°C. Il engage ainsi les pays signataires à contribuer à la réduction des émissions de gaz à effet de serre et prévoit un renforcement des financements pour aider les pays en développement à s'adapter aux impacts du changement climatique. Toutefois, les engagements pris par les pays sont volontaires et non juridiquement contraignants, ce qui peut conduire à un manque d'ambition ou de suivi. De plus, les pays développés et en développement ont des capacités et des responsabilités différentes, ce qui peut créer des tensions dans la mise en œuvre des engagements. En outre, bien que des mécanismes de suivi soient mis en place, la transparence et la vérification des progrès restent des défis, en particulier pour les pays ayant des capacités limitées. Par ailleurs, il existe aussi les COP (Conférences des Parties) qui permettent chaque année aux États de négocier de nouvelles stratégies et engagements pour lutter contre le changement climatique mais également de réviser et d'améliorer leurs contributions déterminées au niveau national. Toutefois, les processus de négociation peuvent être lents et laborieux, retardant l'action climatique et ce, en raison des intérêts divergents des pays développés et en développement.
Économie et commerce international
Le changement climatique a des conséquences majeures sur les économies nationales, en modifiant les conditions de production et en accentuant les inégalités économiques. Les modifications climatiques impactent ainsi particulièrement l’agriculture puisque la hausse des températures et les phénomènes climatiques extrêmes réduisent les rendements agricoles, menaçant la sécurité alimentaire et augmentant la volatilité des prix. Le secteur de la pêche est aussi bouleversé par ces changements puisque l'acidification des océans et la modification des courants marins affectent la biodiversité marine, impactant les communautés dépendantes de la pêche. Par ailleurs, la montée du niveau de la mer et les catastrophes naturelles compromettent l’attractivité de certaines destinations prisées, notamment les îles tropicales et les stations de ski. Par exemple, les Maldives, étant menacées par la montée des eaux, doivent anticiper une transition économique vers d’autres secteurs, alors que l’économie du pays est fondée principalement sur le tourisme, avec de nombreux hôtels présents sur les îlots.
Les modifications climatiques perturbent aussi les échanges commerciaux et obligent les entreprises et les gouvernements à adapter leurs politiques commerciales. Tout d’abord, ce sont les chaînes d'approvisionnement mondiales qui sont touchées. En effet, les tempêtes plus violentes et les inondations peuvent entraîner des coûts de transport plus élevés. De même, la production de certaines matières premières risque d’être plus délicate, menant ainsi à des ruptures d’approvisionnement et poussant ainsi les industries à délocaliser pour minimiser les risques liés aux catastrophes naturelles.
Face aux défis environnementaux et économiques, l’adaptation des politiques commerciales devient une priorité. Plusieurs stratégies sont mises en place pour concilier commerce et développement durable. Les accords commerciaux évoluent pour inclure des engagements environnementaux. Par exemple, l’accord UE-Mercosur intègre des clauses sur la déforestation en Amazonie, obligeant les pays partenaires à respecter des normes écologiques sous peine de sanctions commerciales. De même, le Canada et l’Union européenne, dans le cadre du CETA, ont inclus des dispositions sur la transition énergétique et la réduction des émissions carbone dans leur coopération économique. Par ailleurs, l'Union européenne a mis en place le Mécanisme d'Ajustement Carbone aux Frontières (MACF), une taxe qui s’appliquera progressivement dès 2026 sur les importations de produits comme l’acier, le ciment et l’aluminium en fonction de leur empreinte carbone. L’objectif est de lutter contre le "dumping environnemental" en imposant des coûts aux importateurs dont les pays n’appliquent pas de réglementation stricte sur les émissions de CO₂. Cette mesure pousse alors les partenaires commerciaux à adopter des politiques plus vertes. En outre, les gouvernements mettent en place des subventions et des allègements fiscaux pour favoriser l'innovation dans les secteurs stratégiques. Par exemple, aux États-Unis, l'Inflation Reduction Act prévoit plus de 370 milliards de dollars pour soutenir les industries vertes, comme l'hydrogène propre et la fabrication de batteries.
Technologie et innovation
Face aux défis environnementaux croissants, les innovations technologiques jouent un rôle essentiel dans l’atténuation des effets du changement climatique et l’adaptation des sociétés aux nouvelles réalités écologiques.
Les énergies renouvelables, telles que le solaire, l’éolien et l’hydroélectrique, sont au cœur de la transition énergétique. Leur intégration dans les réseaux intelligents (smart grids) permet d’optimiser la consommation et la distribution d’électricité, réduisant ainsi les pertes énergétiques. En Allemagne, le projet Energiewende vise à atteindre 80 % d’électricité renouvelable d’ici 2050 grâce à ces technologies. Le captage et stockage du carbone (CCS) est une autre innovation clé. La centrale Sleipner en Norvège capte et stocke environ un million de tonnes de CO₂ par an sous le fond marin, limitant ainsi les émissions industrielles. Cette technologie est particulièrement prometteuse pour décarboner les secteurs difficiles à électrifier, comme la sidérurgie et le ciment. L’agriculture de précision utilise l’intelligence artificielle et les drones pour optimiser l’usage de l’eau, des engrais et des pesticides. En France, la start-up Naïo Technologies développe des robots autonomes capables de désherber les cultures sans produits chimiques, réduisant ainsi l’impact environnemental de l’agriculture.
Les batteries à haute capacité sont cruciales pour stocker l’énergie renouvelable et assurer un approvisionnement stable. Tesla et CATL développent des batteries lithium-fer-phosphate (LFP) offrant une durée de vie prolongée et une empreinte carbone réduite. L’hydrogène vert, produit à partir d’énergies renouvelables, se positionne comme une alternative aux combustibles fossiles. L’Europe investit massivement dans cette filière avec le projet Hydrogen Valley aux Pays-Bas, visant à créer un écosystème complet de production et d’utilisation d’hydrogène. Les matériaux de construction durables améliorent l’efficacité énergétique des bâtiments. Le béton bas carbone, comme celui développé par LafargeHolcim, réduit les émissions de CO₂ liées à la construction. Des bâtiments en bois lamellé-croisé, comme la tour Mjøstårnet en Norvège, offrent une alternative écologique aux structures en béton et acier.
La transition vers une économie bas carbone repose sur la coopération entre pays pour favoriser l’innovation et le partage technologique. Le transfert de savoir-faire est essentiel pour aider les pays en développement à adopter des solutions énergétiques propres. Par exemple, le programme Lighting Africa de la Banque mondiale promeut l’accès à l’énergie solaire dans les zones rurales d’Afrique subsaharienne, bénéficiant à plus de 32 millions de personnes. Le financement de projets d’énergies renouvelables dans les pays à faibles ressources permet d’accélérer leur transition énergétique. L’initiative International Solar Alliance, portée par l’Inde et la France, soutient la mise en place de fermes solaires en Afrique et en Asie, réduisant la dépendance aux énergies fossiles. Les programmes de recherche et développement conjoints jouent un rôle clé. Mission Innovation, une initiative du G20, rassemble 24 pays pour financer des innovations en matière d’énergies propres. De plus, des collaborations entre universités et entreprises, comme le partenariat entre MIT et TotalEnergies, permettent d’accélérer le développement de nouvelles solutions pour lutter contre le changement climatique.
Conclusion
Le changement climatique redéfinit profondément les équilibres géopolitiques, influençant les ressources naturelles, les migrations, la sécurité nationale, la gouvernance mondiale, l’économie et l’innovation technologique.
La lutte contre le changement climatique ne peut être menée de manière isolée, mais l’action collective et la coopération internationale sont essentielles pour atteindre des objectifs ambitieux de réduction des émissions et d’adaptation aux nouvelles réalités environnementales. Des accords mondiaux, comme l’Accord de Paris, montrent ainsi l’importance d’une réponse coordonnée à l’échelle planétaire. Cependant, ces engagements doivent se traduire par des actions concrètes impliquant les États, les entreprises et les citoyens.
Les avancées scientifiques et les nouvelles dynamiques économiques offrent une opportunité unique de transformer ces défis en moteurs d’innovation et de croissance. La transition écologique n’est pas seulement une nécessité, mais aussi une chance de repenser le monde de demain.
Au-delà de la transformation des équilibres géopolitiques induits par le changement climatique, la lutte contre ce dernier est l’affaire de tous.
La prise de conscience doit s’accompagner de mesures immédiates pour limiter les effets du réchauffement climatique et garantir un avenir durable. Chaque individu, entreprise et gouvernement a son rôle à jouer pour protéger notre planète. De ce fait, la progressive prise de conscience des enjeux climatiques doit s’accompagner de mesures immédiates pour garantir un avenir durable.
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