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Pandora Papers : clap de fin des évasions fiscales ?

Le 3 octobre 2021, le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) a publié un rapport signant la fin de l’enquête la plus importante jamais menée pour dénoncer la criminalité fiscale : les « Pandora Papers ». Pendant un an, 600 journalistes issus de 120 pays ont épluché attentivement 11,9 millions de documents issus de 14 cabinets spécialisés dans la création de sociétés offshores localisées dans des paradis fiscaux.



Du leak au scandale


Tout est partie de « leaks», c'est-à-dire de fuites de données normalement confidentielles (échanges de mails, carte d’identité de clients, documents signés, documents comptables…), transmises à l’ICIJ par une source anonyme. Ce type de procédé est monnaie courante pour dénoncer des entreprises ou particuliers qui esquivent les impôts de leur pays en profitant du système « offshore » - c'est-à-dire hors du pays de résidence de son titulaire.


S’il n’est pas rare que de tels scandales éclatent, la particularité de cette enquête tentaculaire est qu’elle révèle non seulement l’implication de 130 milliardaires, mais aussi de 35 chefs d’État et d’un nombre impressionnant de cabinets à la renommée internationale.


Les sociétés offshores, un casse-tête juridique


Il faut préciser que le fait de monter une société offshore n’est pas illégal. S’il s’agit de faciliter les échanges commerciaux entre une entreprise et un pays étranger, il peut être plus simple juridiquement d’opter pour la délocalisation. Mais les usages illégaux (fraude fiscale, corruption, blanchiment d’argent) se multiplient.


En effet, pour quelques milliers de dollars, des cabinets et prestataires offshores permettent à leurs clients de créer des sociétés grâce à un système complexe. Ces cabinets s’associent à d’autres cabinets, afin de créer des couches imbriquées de sociétés qui procurent un sentiment d’impunité aux clients.


C’est, pour les particuliers, une façon d’être hors de portée si l’on décide de les frapper au porte-monnaie, et pour de nombreux chefs d’État, un moyen de s’assurer une assurance-vie contre les aléas politiques. Au-delà d’un problème économique, il s’agit donc d’un problème démocratique et politique.


Les principaux acteurs inculpés


Tout d’abord sont accusés les cabinets en question qui ont pour mission de créer des sociétés offshores dans des paradis fiscaux. Ces derniers offrent un taux d’imposition à 0% et enveloppent toute transaction financière d’une opacité certaine, afin, par exemple, d’échapper à la justice ou au regard du public.

Des sociétés entières sont aussi inculpées, comme Apple, Nike, Abbott Laboraties, une entreprise pharmaceutique américaine, ou encore Baker McKenzie, l’un des plus grands cabinets d’avocats des États-Unis.


Des personnalités, comme Shakira, Mario Vargas Llosa, Elton John, Julio Iglesias, Claudia Schiffer ou le couple Tony-Cherie Blair ont également fait appel aux services de ces cabinets.


Mais ce qui fait des « Pandora Papers » un document unique est qu’on y découvre les patronymes de 300 responsables politiques issus de 90 pays, dont 35 chefs - ou anciens chefs- d’État. Le roi Abdallah de Jordanie, le président de la République d’Équateur Guillermo Lasso, le président de la République du Congo Denis Sassou-Nguesso, le 1er ministre de la République Tchèque, le ministre de l’économie du Brésil, le Président d’Ukraine, Juan Carlos Ier d’Espagne, l’entourage proche du président Poutine, et bien d’autres encore – dont les noms sont cités dans le rapport de l’ICIJ – sont coupables de fraude fiscale. Comble de la situation : nombre d’entre eux s’étaient publiquement engagés pour lutter contre ces délits dans leur propre pays.



De ce fait, l’ICIJ note que « de nombreux acteurs puissants pourraient aider à mettre fin au système offshore en ont au contraire profité (…). Leurs gouvernements ne font pas grand-chose pour ralentir un flux mondial d'argent illicite qui enrichit les criminels et appauvrit les nations ».


Pendant ce temps, en France


On trouve dans ce rapport 600 noms de Français, souvent inconnus. Les quelques personnalités issues de la scène politique sont Dominique Strauss-Kahn, ancien directeur général du FMI et ministre, Aymeric Chauprade, ex-conseiller de Marine Le Pen et élu du Rassemblement national, Sylvain Maillard, député LREM, et Nicolas Perruchot, ancien député ayant lui-même lutté contre les paradis fiscaux.


Et maintenant ?


Lorsqu’un ou plusieurs États tentent de condamner ce type de fraude fiscale, les compagnies mises en cause rejettent la faute sur les clients finaux, dont elles dénoncent l’éthique douteuse, ou sur les États eux-mêmes, qu’elles disent défaillants dans leurs contrôles. Difficile, donc, pour les États qui luttent contre ces délits, de désigner les véritables coupables. Des discussions ont pourtant lieu à l’échelle mondiale pour prévenir toute récidive. L’Union européenne a ainsi pris des mesures, comme la fin du secret bancaire, et l’échange automatique d’informations entre États sur les comptes des citoyens à l’étranger… mais encore faut-il que les États et paradis fiscaux en question coopèrent.


C’est pourquoi vendredi 8 octobre, à la suite de ce scandale, 136 pays, représentant 90% du PIB mondial ont signé un accord historique pour imposer une taxation minimale à 15% sur les multinationales. Cette réforme devrait être mise en place d’ici 2023.


Crédit photo 1 : Unplash

Crédit photo 2 : Canva License Pro


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