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Turquie et Israël : l’étincelle d'une paix durable ?

Dernière mise à jour : 16 oct. 2022

Les rivalités et tensions entre la Turquie et Israël, sur fond de conflits religieux, sont partie prenante de l’instabilité observée depuis des dizaines d’années au Moyen-Orient. Mais depuis deux ans, les discussions diplomatiques et économiques entre les deux puissances semblent se rétablir progressivement. Mercredi 9 mars 2022, le Président Herzog s’est rendu à Ankara, une première depuis plus de quatorze ans. Étant donné l’histoire des deux nations, peut-on voir dans cette visite le signe d’un apaisement durable ?


Turquie et Israël : un passif pacifique

Les relations entretenues par Israël et la Turquie ont été meilleures que celles que l’État hébreu entretenait avec le reste des pays du Moyen-Orient, jusque dans les années 2000. Leur entente économique et diplomatique est millénaire. L’on peut citer pour illustrer cette accointance le bon accueil réservé à la diaspora juive par la Turquie pendant la Seconde Guerre mondiale. La Turquie fut également le premier État à majorité musulmane à reconnaître l’État hébreu en 1949. En 1991, Israël et la Turquie nomment des ambassadeurs dans leurs capitales respectives, et les accords d’Oslo achèvent de rapprocher les deux nations. Les relations demeurent inchangées lorsque Recep Tayyip Erdogan est nommé Premier ministre de la Turquie, en 2003, mais à partir de 2007, elles s’altèrent progressivement.

Une dégradation inattendue

Ces premières tensions trouvent leur origine tout d’abord dans le parti politique d’Erdogan, l’AKP, qui est ouvertement pro-palestinien et qui diffuse une idéologie islamiste. Ce faisant, la Turquie s’attire la considération des autres puissances importantes du Moyen-Orient, à majorité musulmane et pro-palestinienne. L’objectif était d’acquérir une autorité suffisante auprès de ces pays pour prospérer économiquement et devenir un État particulièrement influent dans cette région du monde.


C’est entre 2008 et 2009 que les rapports entre Ankara et Jérusalem se détériorent brutalement. Fin 2008, Israël a attaqué Gaza, une enclave palestinienne le long de la côte orientale de la Méditerranée. Cette offensive aurait été menée pour mettre un terme aux lancements de roquettes que le groupe terroriste islamiste du Hamas tirait depuis Gaza contre le territoire hébreu. Cette offensive a coûté la vie à 1 440 Palestiniens et 13 Israéliens.


En 2009, Erdogan quitte brusquement le forum économique de Davos en assurant qu’il n’y reviendrait plus. Sa colère a été attisée par le plaidoyer du président israélien de l’époque, Shimon Peres, qui défendait l’offensive menée contre la bande de Gaza l’année précédente. Alors que les divergences croissaient entre les deux puissances, la Turquie, en s’éloignant d’Israël, s’est rapprochée des ennemis du peuple hébreu, la Syrie et l’Iran.


En 2010, le drame du Mavi Marmara semble mettre un terme définitif à toute relation entre Ankara et Jérusalem.

L’offensive contre le Mavi Marmara

Le 31 mai 2010, des commandos israéliens ont pris d’assaut le Mavi Marmara, un ferry turc qui faisait partie d’une flottille humanitaire à destination de Gaza. L’objectif était de briser les restrictions sécuritaires imposées par Israël sur Gaza instaurées pour éviter tout détournement à des fins terroristes. L’accostage à Gaza était fortement condamné par Israël qui stipulait que les Turcs violaient l’espace maritime israélien. Le raid lancé par Jérusalem fait 10 morts.


L’opération indigne l’opinion internationale, et provoque les foudres d’Ankara qui exige des excuses et la levée du blocus de Gaza. L’ambassadeur turc en Israël est rappelé, et les relations économiques et de défenses sont considérablement réduites. Le Conseil des droits de l’homme des Nations unies stipule que cette attaque constitue une « grave violation des droits de l’homme et du droit humanitaire international. »


En mars 2013, le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou présente des excuses à la Turquie au nom d’Israël et accepte de discuter des indemnisations qui seront versées aux familles des victimes.

Vers un apaisement progressif …

Ce n’est qu’en décembre 2015 que les relations diplomatiques entre la Turquie et Israël sont renouées. Les ambassadeurs recouvrent leur poste, Ankara annule ses poursuites à l’encontre des hauts responsables militaires israéliens à l’origine de l’assaut contre le Mavi Maraval, un fonds de solidarité destiné aux familles des victimes est levé et des activistes du Hamas sont expulsés. Le rapprochement entre les deux nations semble être acté lors des discussions en faveur de la construction d’un pipeline israélien qui transitera par la Turquie pour acheminer du gaz vers l’Europe.

… émaillé de tensions

En 2018, lors de « la marche du retour » - manifestation annuelle organisée par les Palestiniens pour commémorer la Nakba - des dizaines de Palestiniens sont tués, et des milliers blessés par des soldats israéliens. Ces Palestiniens manifestent contre le transfert de l’ambassade des États-Unis de Tel-Aviv à Jérusalem. Les relations israélo-turques se détériorent à nouveau : l’ambassadeur israélien est renvoyé de Turquie et les contrôles de sécurité à l’aéroport sont si stricts qu’Israël voit cela comme une humiliation qu’elle fera subir à son tour à un chargé d'affaires turc à Jérusalem. Si d’un point de vue extérieur les relations semblent définitivement rompues entre les deux nations, en réalité la Turquie et Israël n'ont pas mis de terme à leurs échanges économiques, et les deux pays tentent depuis 2020 de renouer des relations diplomatiques. L’élection de Joe Biden a renforcé ce désir de coopération.

Le dégel final ?

Fin novembre, Erdogan a déclaré que la Turquie envisageait un rapprochement « progressif » avec Israël. En janvier, il annonce que les négociations concernant le gazoduc ont repris. En février, une délégation turque se rend à Jérusalem pour préparer la visite du président Herzog en Turquie. Une délégation israélienne se rend en Turquie le 2 mars. Le 9 mars, pour la première fois depuis 2008, un dirigeant israélien se rend en Turquie en temps de paix. Israël a également accueilli un groupe d’hommes d’affaires turcs dans l’optique de renforcer leurs liens commerciaux. Les relations commerciales sont intrinsèquement liées aux relations politiques : une amélioration d’un côté entraîne un affermissement de l’autre.


L’apaisement des tensions entre Ankara et Jérusalem peut s’expliquer, selon des spécialistes, comme l’universitaire Erhan, par l’isolement de la Turquie sur la scène internationale à l’inverse d’Israël qui a su tirer parti des traités de paix signés avec d’autres pays du Golfe. La Turquie voudrait relancer sa politique étrangère au Moyen-Orient. Il faut également souligner que le rapprochement entre les deux nations serait bien perçu par le Congrès américain. En effet, la Turquie, depuis son achat du système de missiles russes S-400, est menacée par de lourdes sanctions de la part de l’OTAN, dont elle fait partie. Mais la relation personnelle entretenue entre Erdogan et Trump avait jusque-là épargné Ankara. Joe Biden, pour sa part, se montre moins conciliant envers le gouvernement turc depuis son arrivée au pouvoir.


Comme le confie Soli Özel, professeur de relations internationales à l’Université Kadir Has d’Istanbul au journal l’Orient-Le Jour : Ankara essaye « de réparer les relations avec tous les alliés qu’il s’est aliéné ou avec lesquels il a développé de mauvaises relations ».


Crédit photo : Wikimedia Commons, no change made, Haim Zach, Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0


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