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#EndSARS : les Nigérians en lutte contre les violences policières

Dernière mise à jour : 31 mars 2021

Par Rita Sidki


Un incident déclencheur


Le 3 octobre 2020, une vidéo montrant un Nigérian se faisant violenter par des policiers a circulé sur les réseaux sociaux et a donné lieu à un mouvement de protestations considérable au Nigéria. Les policiers faisaient partie de la Brigade Spéciale de répression des vols : la SARS. Sur la vidéo en question, on peut voir des policiers membres de la SARS qui brutalisent deux jeunes hommes et abattent l’un d’eux à Ughelli, dans l’Etat du Delta. Les images deviennent virales et entraînent des milliers de témoignages d’internautes, eux-mêmes victimes de brutalités policières. En quelques jours, l’hashtag #EndSARS devient l’un des plus partagés au monde notamment sur Twitter.


A la suite de cet évènement, une série de protestations a eu lieu. La première mobilisation date du 8 octobre. Le 11 octobre, la contestation s’étendait à l’international par le biais de la diaspora nigériane comme à Londres et au Cap où plusieurs manifestations ont été organisées. Les protestations contre les violences policières se sont progressivement muées en une contestation globale du régime. Des appels à la démission du président Muhammadu Buhari ont également été relayés sur les réseaux sociaux.


La contestation sociale a été sévèrement réprimée : le mardi 20 octobre à Lekki, la police a dispersé les manifestants à balles réelles, tuant 12 personnes. Un couvre-feu total a été imposé pour limiter le mouvement, cependant cette mesure n’a pas réduit l’ampleur des manifestations.


La SARS a finalement été officiellement dissoute le 11 octobre et le président nigérian Muhammadu Buhari a annoncé qu’il engagerait un processus de réforme de la police mais n’a pas réussi à atténuer les tensions.


Des problèmes déjà connus


Les plaintes contre cette unité de police créée en 1984 existent en réalité depuis plusieurs années. En 2017, une campagne en ligne avait été lancée pour dénoncer ses agissements qui ont été répertoriés par Amnesty International dans un document sur la torture au Nigéria. Ces derniers mentionnent des cas d’extorsions de biens appartenant aux suspects arrêtés par la police, de torture de suspects et des exécutions extrajudiciaires. L’ONG insiste notamment sur l’impunité dont bénéficient ces policiers : «Malgré les promesses répétées des gouvernements successifs de réformer les forces de police nigérianes et l’annonce de l’inspecteur général de la police le 14 août 2018 concernant la « restructuration immédiate de la Brigade spéciale de répression des vols », les violations flagrantes des droits humains, l’inefficacité et le mépris à l’égard des droits fondamentaux demeurent monnaie courante au sein de la brigade».


Crédit photo : Tobi Oshinnaike / Unsplash

L'Union Européenne (UE) et l'ONU ont condamné les violences, l'UE jugeant "crucial que les responsables de ces abus soient traduits en justice et qu'ils aient à rendre des comptes", l'ONU appelant à "la fin des brutalités et des abus policiers au Nigeria".

Le président nigérian Muhammadu Buhari, un ancien militaire putschiste, s'est finalement exprimé le 22 octobre pour la première fois depuis le début de la crise dans un discours très attendu. Il s’est montré intransigeant et inflexible et a précisé aux manifestants qu'il « n'autoriserait personne ni aucun groupe à mettre en péril la paix et la sécurité nationale".


Ce discours n’a pas apaisé la colère des militants EndSARS, d'autant plus que de nombreux Nigérians attendaient que le gouvernement mette en place de véritables mesures pour que les responsables de la répression soient désignés. L'armée et la police nient en effet être impliquées dans les événements du « mardi sanglant » du 20 octobre.


Une lutte qui n’est pas prête de s’arrêter


Un mois après le début des protestations, les militants du mouvement #EndSARS continuent de subir de la pression de la part du gouvernement et de la police. Le 4 novembre, la banque centrale du Nigeria a en effet obtenu une ordonnance judiciaire l’autorisant à bloquer, pour une durée déterminée, vingt comptes bancaires de membres du mouvement contre les violences policières et de nombreux manifestants ont été arrêtés. L’ONG Amnesty International estime à 56 le bilan total des morts depuis le début du mouvement.


Par ailleurs, ce mouvement de protestations, mené en grande partie par la jeunesse nigériane, ne se limite pas à la lutte contre les violences policières. Il s’agit de l’expression d’un sentiment d’exclusion causé par un système politique que les militants jugent incapable de réduire l’extrême pauvreté et dont la violence est couverte par une totale impunité.


Crédit photo : Unsplah

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