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Fusion des monnaies cubaines, la fin d’un modèle ?

Dernière mise à jour : 25 mars 2021

Par Alice Desvilles


Après plusieurs hésitations depuis 2013, l’exécutif cubain vient d’annoncer la fusion de ses deux monnaies le 1er janvier 2021.

Crédit photo : Canva License Pro

L’histoire d’une monnaie salvatrice


Depuis 1994, Cuba est doté de deux monnaies. L’Etat cubain avait en effet décidé de créer le peso convertible, ou CUC. Aligné sur le dollar (1 dollar vaut 1 CUC), il avait été introduit à la suite de la chute de l’URSS afin de lutter contre toutes les pertes engendrées. En effet, Cuba s’était beaucoup appuyé sur l’aide soviétique ainsi que ses importations pendant la guerre froide. L’objectif de cette monnaie, qui s’était alors ajoutée au peso cubain (ou CUP), était également d’éviter que les Cubains ne se débarrassent de la monnaie nationale au profit du dollar.


Ceci a rendu possible pour les entreprises importatrices, qui sont d’ailleurs publiques, de pouvoir mettre la main sur des dollars de manière très avantageuse, ce qui rend les importations plutôt bon marché. En effet, un CUC nécessite 24 pesos cubains à l’échange.


Un changement profitable ?


Le taux de change sera maintenant unique avec 24 pesos pour un dollar. Cette mesure a pour but de rendre l’économie cubaine plus lisible et surtout plus attractive pour les investisseurs étrangers. En effet, les conséquences de la crise sanitaire sont particulièrement pesantes avec la privation des devises étrangères apportées par le tourisme.


Les Cubains travaillant pour l’Etat, ce qui représente la majorité de la population, sont payés en pesos, alors que ceux travaillant dans le secteur privé sont souvent payés en CUC. Ainsi, ces travailleurs gagnent jusqu’à sept fois plus que les employés de l’Etat. Avec l’abolition du CUC, le secteur public pourra alors agir plus similairement au secteur privé, et les entreprises privées auront alors l’opportunité d’être compétitives face aux publiques. Elles seront encouragées à exporter leurs produits et diminuer les importations.


Le gouvernement cubain espère alors que les entreprises et les consommateurs n’utiliseront plus que des pesos. Il est ainsi attendu que les salaires augmentent considérablement.


Pour le président, Miguel Díaz-Canel, il s’agit d’une avancée cruciale dans « l’actualisation » du modèle économique cubain. Il démontre alors son envie de faire évoluer le modèle économique instauré par le communisme de Fidel Castro vers quelque chose de plus compatible avec l’environnement international.


Cependant, il est conscient qu’il s’agit de « l’une des tâches les plus complexes » que le pays ait à affronter. En effet les conséquences d’un tel changement seront à court terme très difficiles, le pays souffrant déjà des effets du renforcement de l’embargo américain, de la situation endémique à la Covid-19 et de la crise économique internationale. L’abolition du CUC a d’ailleurs été accélérée par l’annonce de l’ONU d’une chute de l’économie cubaine de 8% en 2020. Face au manque de devises, l’île a réduit ses importations, aggravant alors les pénuries déjà existantes.

Crédit photo : Canva license pro

Une transition douloureuse


Le changement va être très complexe à réaliser. En effet, le fonctionnement de l’économie cubaine est entièrement fondé sur la dualité de ses monnaies, et les rares mesures transitoires prises montrent la faiblesse de la monnaie cubaine. Par exemple, en octobre 2019, le dollar avait déjà été réintroduit sur l’île, et des magasins alimentaires et d’électroménagers dans lesquels il n’est possible de payer qu’avec cette devise ont été ouverts.


Le risque est donc de voir une inflation grandissante venir plomber l’économie déjà souffrante de l’île. La suppression du CUC risque donc d’impacter la valeur déjà basse du CUP. S’ajoutent les subventions touchant l’eau, les transports et l’électricité qui sont déjà en baisse, ce qui ne garantit pas la bouée de sauvetage attendue.


De plus, les entreprises d’Etat – 85% de l’économie – bénéficiaient jusqu’à présent d’un taux de change surévalué : le dollar s’échange pour 35 à 40 pesos sur le marché noir. Leurs coûts de production vont ainsi exploser, et donc leurs prix malgré l’aide gouvernementale.


Intervention étatique


Pour lutter contre ces maux, l’Etat cubain a déjà introduit de nouvelles mesures. Le contrôle des prix sera encore plus exacerbé, et s’étendra jusqu’à certains services tels que la coiffure ou la cordonnerie.


Néanmoins, si M. Díaz-Canel tente d’amorcer une transition du régime communiste vers une économie de marché, freinée pendant des années par Raul Castro, de nombreuses situations sont encore à réformer. Les agriculteurs ont toujours les mains liées quant à leur production et leurs prix, et les entrepreneurs ne peuvent s’intégrer efficacement à l’économie, alors même qu’ils créent la majorité des emplois.


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