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Guerre d’influence au Liban

Retour sur la démission du premier ministre libanais en 2017


Le 4 novembre 2017, le premier ministre libanais, Saad Hariri démissionne en direct lors d’une allocution télévisée donnée à Ryad, capitale de l’Arabie Saoudite. Le président libanais et chrétien, Michel Aoun refuse la démission de son Premier ministre sunnite au prétexte qu’elle aurait été forcée par le gouvernement saoudien, qui dirige la communauté sunnite libanaise comme l’Iran chapeaute la communauté chiite à travers le parti politique et groupe militaire chiite libanais Hezbollah.



Le Liban a toujours eu un président chrétien maronite (une communauté catholique du Moyen-Orient), un Premier ministre sunnite et un président de la Chambre chiite, pour garantir l’équilibre entre les trois communautés, également réparties dans la population du petit pays. Cet équilibre est certes nécessaire à la cohabitation de ces communautés, mais les spécialistes estiment que ces derniers temps, l’équilibre semblait surtout profiter au Hezbollah.


En effet, un Premier ministre sunnite permet de protéger le gouvernement libanais des sanctions internationales qui pourraient s’y abattre pour son affiliation au Hezbollah, considéré comme une organisation terroriste par de nombreux pays, dont les États-Unis et l’Union Européenne. La démission du ministre sunnite sous l’égide des Saoudiens était donc paradoxalement, une façon de faire pression sur le Hezbollah, pour le pousser à diminuer son influence au Moyen-Orient.


Rupture des liens diplomatiques entre l’Arabie Saoudite et le Liban


Ces derniers mois, cependant, la guerre froide entre l’Iran et l’Arabie Saoudite semble s’apaiser. Des négociations secrètes avaient repris, on parlait de rétablir officiellement les relations diplomatiques et commerciales entre les deux géants du Moyen-Orient.


Pourtant, malgré cette “détente”, Ryad a plus ou moins rompu ses relations diplomatiques avec Beyrouth dans le cadre de son opposition à l’Iran, il y a une quinzaine de jours. L’Arabie Saoudite a en effet rappelé son ambassadeur et expulsé de son sol celui du Liban. Surtout, Mohammed Ben Salmane a coupé court aux relations commerciales avec le Liban alors que le pays vit une succession infinie de crises politico-socio-économiques.

De plus, Bahreïn, les Émirats Arabes Unis et le Koweït ont emboîté le pas aux Saoudiens, isolant ainsi le petit pays au sein du monde arabe.


Le rôle de l’Iran dans cette rupture diplomatique


Le rappel de l’ambassadeur saoudien a eu lieu après qu’un futur ministre libanais ait qualifié la guerre au Yémen (soutenue d’un côté par l’Arabie Saoudite, de l’autre par l'Iran) d'”absurde.” Ce serait donc une décrédibilisation d’un conflit armée où l’Arabie Saoudite est opposée à l’Iran, qui aurait entraîné la rupture des relations diplomatiques avec le Liban. Surtout, le ministre des affaires étrangères saoudien a justifié cette mesure en expliquant que Ryad n’avait aucun intérêt à traiter avec le Liban “en raison de la domination continue du Hezbollah sur la scène politique [libanaise]”.


Quelles conséquences pour le Liban ?


Le retrait saoudien du Liban a beau être une mesure géopolitique, il a des répercussions très importantes sur la politique intérieure libanaise. La communauté sunnite notamment, se voit privée de son protecteur traditionnel et de ses moyens financiers et idéologiques. Lors d’une explosion accidentelle dans une région sunnite, en août 2020, le parti n’a même pas pu dédommager financièrement les familles des victimes, et c’est le Hezbollah qui l’a fait pour eux. Il y avait donc, bien avant la rupture diplomatique d’octobre, un retrait de l’Arabie Saoudite du pays, qui avait pour conséquence un affaiblissement considérable du parti sunnite.


Le Liban reposant sur l’équilibre entre ces trois communautés, cet affaiblissement sunnite ne laisse présager rien de bon pour le pays du Levant, qui aura déjà à supporter la fin des aides financières commerciales de Ryad, à l’un des moments les plus troublés de son histoire. En effet, avant même ces derniers événements diplomatiques, le peuple libanais vivait déjà dans des conditions plus difficiles encore que celles de la guerre civile qui se déroula de 1975 à 1990.


Le retrait saoudien du Liban pourrait d’ailleurs n’être pas seulement due à la lutte d’influence contre l’Iran. Il est aussi tout à fait possible que Mohammed Ben Salmane estime que le Liban soit une cause perdue, et qu’il préfère se retirer pour économiser de l’argent, et surtout des efforts diplomatiques et politiques. Quelles que soient les raisons des saoudiens, l’antique répartition d’influence au Liban se trouve renversée.


Crédit photo 1 : Wikimedia commons, no change made, KHAMENEI.IR

Crédit photo 2 : Wikimedia commons, no change made, U.S. Department of State from United States, Public domain



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