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La question de l’avortement divise à nouveau la Pologne

Dernière mise à jour : 1 avr. 2021

Par Rita Sidki


La (presque) fin de l'avortement


Le jeudi 22 octobre 2020, un arrêt a été émis par le Tribunal Constitutionnel polonais jugeant inconstitutionnel l’IVG (Interruption Volontaire de Grossesse) dans le cas d’une « malformation grave et irréversible » du fœtus ou d’une « maladie incurable ou potentiellement mortelle ». La présidente de la cour, Julia Przylebska, a déclaré que la législation existante autorisant l'avortement de fœtus mal formés était "incompatible" avec la Constitution du pays. Cet arrêt découle d’une requête déposée par un groupe de députés du PiS (Prawo i Sprawiedliwość – Droit et Justice) et du parti d’extrême droite Konfederacia.


Une situation déjà précaire


L'avortement en Pologne était autorisé et gratuit de 1956 à 1993. Suite à la chute du régime communiste en 1993, un compromis entre l’Etat et l’Eglise Catholique a rendu son recours de plus en plus restrictif et, suite à la décision du 22 octobre, il n’est maintenant possible d’avorter légalement que sous deux conditions : lorsque la personne souhaitant y avoir recours est une victime de viol; ou lorsque la grossesse représente une menace pour la vie de la femme enceinte. Or, en 2019, 98% des 1 100 avortements légaux recensés en Pologne concernaient précisément une malformation du fœtus.


Cette restriction supplémentaire pour l’accès à l’IVG risque de faire augmenter le nombre de recours aux avortements clandestins dont 100 000 auraient déjà lieu en Pologne chaque année, où les femmes souhaitant avorter achèteraient des pilules vendues sur des marchés informels ou se rendraient à l’étranger pour être opérées. La situation semble être particulièrement inquiétante pour les femmes issues de milieux modestes qui seront contraintes de se tourner vers des pratiques clandestines à plus hauts risques.

Deux projets de loi d’initiative citoyenne visant l’interdiction totale ont échoué en 2016 et 2018, face à de fortes mobilisations populaires, les « manifestations noires », qui se sont organisées en opposition.


Cette mesure était particulièrement défendue par Jaroslaw Kaczynki, chef de file du parti de droite conservatrice Droit et Justice qui a été nommé vice-premier ministre le 30 septembre 2020 dans le cadre d’un remaniement du gouvernement visant à apaiser les tensions et désaccords au sein de la coalition de droite au pouvoir. Ce dernier se pose en défenseur du catholicisme et de l'« ordre moral ».


Des divisions sociétales fortes


Cette restriction supplémentaire du droit à l’avortement a intensifié les divisions au sein de l’opinion publique sur le sujet et provoqué des protestations parmi les associations de défense de droits des femmes en Pologne mais aussi dans l’Union Européenne. La Commissaire des Droits de l’Homme du conseil de l’Europe, Dunja Mijatovic, a déclaré que la décision correspondait à une violation des Droits de l’Homme.


Crédit photo : Zuza Gałczyńska / Unsplash

En Pologne, des manifestations de grande ampleur ont débuté le 23 octobre et se poursuivent depuis. Les manifestants ciblent principalement les sièges des partis conservateurs et les églises en chantant « Liberté, égalité, droits des femmes ». Des milliers de personnes se réunissent chaque jour et qualifient la situation de « honte » ou de « guerre aux femmes », de nombreux militants réclament également un référendum sur le sujet, bravant dans de nombreuses villes du pays l’interdiction des rassemblements publics décrétée par le gouvernement dans le cadre de la lutte contre la pandémie de coronavirus.


La mobilisation des femmes polonaises pour le droit à l’avortement gagne chaque jour en ampleur et s’organise sur le mode des manifestations noires de 2016 et 2018 : après des blocages massifs dans les villes lundi, une grève générale du travail a eu lieu le mercredi 28 octobre. Les revendications des militantes se précisent : en plus du retrait de l’arrêt du Tribunal Constitutionnel, elles réclament également une totale libéralisation de l’accès à l’avortement ainsi que la dissolution du gouvernement actuel. Il s’agit en particulier de jeunes Polonais et Polonaises âgés d’entre 15 et 30 ans qui participent activement à ce mouvement de protestation.


Face à l’ampleur que prennent les protestations, les officiels polonais ont dernièrement multiplié les déclarations anti-IVG qui semblent accentuer les clivages. Jaroslaw Kaczynski, a dénoncé des « tentatives de détruire » le pays et a appelé ses partisans à « défendre les églises » contre les manifestants, tandis que le premier ministre, Mateusz Morawiecki, a condamné « la barbarie » des manifestations.


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