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Révolte des paysans en Inde

Dernière mise à jour : 25 mars 2021

Par Rita Sidki


Le 20 septembre, le gouvernement de Narendra Modi fait adopter trois textes de loi instaurant la libéralisation des marchés agricoles. Cette réforme s’est faite sans concertation ni avec les agriculteurs ni avec les responsables régionaux. Des manifestations, des blocus dans des villes et une grève générale ont été organisés dans l’ensemble du pays et se poursuivent aujourd’hui.

Révoltes paysans en Inde.

L’agriculture en Inde


L’adoption de la loi signifie que les agriculteurs pourront désormais vendre leurs produits directement à des entreprises privées sans garanties sur le niveau des prix. Elle vise également à supprimer les subventions que recevaient les Etat pour les investissements dans les « mandis » qui se détériorent de plus en plus. L’Etat central assurait en effet des prix minimaux dans ces marchés réglementés pour protéger les petits exploitants. Les agriculteurs sont particulièrement inquiets quant à l’arrivée de firmes agroalimentaires et de la grande distribution sur les marchés agricoles.


Un peu plus de la moitié de la population indienne travaille dans le secteur agricole, soit 650 millions de personnes. Pourtant, l’agriculture ne représente que 14% du PIB. Il convient également de préciser que comme seuls le riz et le blé sont subventionnés, plusieurs personnes souffrent d’une alimentation carencée.


Bien que le secteur primaire n’ait pas été le plus affecté par la pandémie, les agriculteurs indiens souffraient déjà d’une situation précaire. La grande majorité vit sous le seuil de pauvreté. Certains sont fortement endettés et ne parviennent plus à rentabiliser les quelques parcelles de terre dont ils sont propriétaires. Pendant les vingt-cinq dernières années, on estime qu’il y a eu 350 000 suicides de paysans surendettés.


La crise agricole que traverse l’Inde aujourd’hui est en réalité le reflet de l’inefficacité d’un modèle agricole historique. L’agriculture indienne suit toujours le mode de fonctionnement de la Révolution Verte des années 1970. Il s’agissait d’une politique de transformation du système agricole indien qui avait pour but d’assurer l’indépendance alimentaire du pays. Ce système a permis de développer des cultures à haut rendement et à réduire le nombre de famines. Toutefois, cette manière de cultiver nécessite une irrigation intensive et l’utilisation d’engrais et de pesticides souvent onéreux.


Mouvement de contestation national


Les syndicats ont appelé à une mobilisation nationale dès la fin du mois de septembre. Trois mois plus tard, la protestation n’a pas perdu de son ampleur. Des heurts ont eu lieu entre forces de l’ordre et manifestants, et il y a eu des blocages d’axes routiers et des entrées des principales métropoles du pays. Des campements se sont installés sur des routes et des rails. Les négociations entre les syndicats et le gouvernement n’ont rien donné.

Crédit photo : Deepak Kumar / Unsplash

Le ressentiment devient de plus en plus fort à l’égard du chef de gouvernement mais également à l’égard des grandes figures de l’agroalimentaire. Les manifestants dénoncent l’influence de grands patrons milliardaires sur la politique nationale et sur les marchés agricoles.


La colère paysanne est devenue une crise politique


Des débordements ont eu lieu à la Chambre Haute et la ministre de la transformation alimentaire a démissionné de son poste. De plus, les chefs de gouvernements régionaux ont menacé de saisir la Cour Suprême pour « attaque au principe de fédéralisme ». Les partis d’opposition ont quant à eux affiché leur soutien aux agriculteurs.


Face à l’ampleur des contestations, Narendra Modi a tenté d’apaiser les tensions en justifiant la légitimité de ces réformes qui visent à moderniser l’agriculture.

Les évènements économiques et sociaux récents en Inde attisent les critiques envers le gouvernement Modi. Le pays traverse de graves difficultés économiques à cause de la pandémie de Covid-19 : en novembre, le pays est entré pour la première fois en récession depuis le début du siècle. Le pays souffre également de tensions inter-communautés religieuses renforcées par la loi sur la naturalisation. Adoptée en décembre 2019, on lui reproche d’être discriminatoire à l’égard des immigrés musulmans et a provoqué une vague de manifestations et de violences entre les citoyens.


Dans son ouvrage L’Inde selon Modi (2020), Shashi Tharoor, un opposant au Premier ministre, dénonce sa politique économique et les réformes sociétales qu’il a menées. Il dénonce notamment la démonétisation d’une grande partie de la monnaie nationale en 2016 qui aurait désavantagé en particulier les petits commerces et causé du chômage.


Crédit photo 1 : Ekta Parishad, Wikimedia commons / No change made, Creative CommonsAttribution-Share Alike 3.0 Unported license.

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