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Une loi Magnitski pour la réémergence diplomatique de l’UE ?

Dernière mise à jour : 25 mars 2021

Par Anastasia Postovan


Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, avait annoncé en septembre 2020 le développement d’une version européenne de la loi Magnitski. Ce texte permet l’application de sanctions financières et d’interdictions de visa contre les fonctionnaires russes alors suspectés d’être impliqués dans le meurtre de l’avocat Sergueï Magnitski, symbole de la lutte contre la corruption du système politique.

L’implication tant attendue


Ainsi, Ursula von der Leyen avait annoncé son intention d'adopter ses propres restrictions, qui impliqueraient alors des mesures sanctionnant les violations des droits de l'homme. Pour elle, l'Union Européenne doit réagir rapidement à ce type d’abus, "que ce soit à Hong Kong, Moscou ou Minsk" souligne-t-elle.


Le Parlement européen a demandé à plusieurs reprises qu'un mécanisme de sanctions soit mis en place afin de punir les individus coupables d’atteintes aux droits de l'homme. Ce mécanisme devrait permettre d'établir un gel des avoirs et des interdictions de voyager pour les personnes concernées. La croissance des violations des droits de l'homme dans le monde nécessite une réponse ferme, rapide et unie de la part de l'Union européenne. Et pour certains, la seule façon d'y parvenir est d'adopter une loi dite "loi Magnitski européenne".


Le 2 décembre, à Bruxelles, après d’âpres négociations, le Conseil européen a adopté ce nouveau régime de sanctions. «La décision générale d'introduire le régime de sanctions pour les violations et abus graves dans le domaine des droits de l'homme a été prise. Les ambassadeurs de l'UE adoptent une décision formelle sans discussion aujourd'hui », a déclaré une des délégations au Conseil européen à TASS. Les ministres des Affaires étrangères devaient se mettre d’accord lundi 7 décembre quant à cette décision.


Un élan américain


Conscients de l’atteinte que pourrait porter le nom de “loi Magnitski” aux pays pro-russes de l’Union, ses dirigeants la nommeront différemment. De plus, c’est pour l’UE l’occasion de muscler sa position diplomatique internationale, il ne s’agit donc pas de copier l’American Magnitsky Act.


Cette loi bipartite adoptée par le Congrès américain et portée par le président Obama en 2012 avait été par la suite répliquée par le Canada ou encore le Royaume-Uni en juillet 2020. En Estonie, Lituanie et Lettonie, des “actes Magnitski” similaires ont été également adoptés. L’objectif de ces derniers semblait être de montrer leur désaccord face aux actes russes.

Manifestation pour impléter l'Act Magnitsky

C’est ainsi que le ministre allemand des Affaires étrangères, Heiko Maas, a soutenu l'initiative d'un certain nombre d'États membres de l'UE visant à élaborer une liste de sanctions contre les individus et organisations coupables de violations des droits de l'homme. Pendant les négociations, les Etats les plus fidèles à la Russie tels que la Hongrie, l’Italie ou la Grèce, n’ont pas hésité à s’y opposer, renforçant leur alliance avec le pays du président Poutine.


Une aubaine diplomatique pour l’UE ?


Les pays de l'UE pourront désormais imposer directement des sanctions contre ces individus. Jusqu'à présent, les sanctions personnelles n'étaient possibles que dans le cadre de sanctions contre des États entiers ou de mécanismes de sanctions spéciaux, par exemple en cas de cyberattaques, d'utilisation d'armes chimiques ou de conflits comme la crise ukrainienne. Cela a rendu la réponse de l'UE extrêmement difficile, voire impossible, dans des cas tels que l'assassinat brutal du journaliste Jamal Khashoggi au consulat saoudien à Istanbul.


L’Union Européenne a ainsi souvent été accusée de ne pas s’impliquer assez dans la lutte contre les atteintes aux droits de l’homme. Certes elle impose des sanctions contre certains Etats -le Myanmar, la Biélorussie ou l’Iran par exemple- c’est souvent dans le cadre d’un consensus international, et les freins diplomatiques sont nombreux. Ainsi, l’occasion est ici pour l’UE d’enfin taper du poing sur la table et de s’imposer comme un acteur renaissant de la diplomatie mondiale.


De nombreux membres espèrent ainsi retrouver un poids semblable à celui d’antan dans la toile d’influences mondiales, d’autant plus que certains acteurs mondiaux s’imposent de plus en plus unilatéralement. Outre la peur de certains pays de l’Europe de l’Est ressentie à l’égard de la Russie, par ailleurs de plus en plus partagée par l’Allemagne d’Angela Merkel, les Etats-Unis de Trump ont marqué un nouveau tournant unilatéral dans leur politique étrangère. Si l’élection de Joe Biden va peut-être changer cet aspect-là des relations Europe-Etats-Unis, il n’en reste pas moins que ceux-ci semblent de plus en plus se tourner vers l’Asie où la Chine gronde.


Même s’il s’agit d’un premier pas vers cette volonté de réémergence au sein des forces diplomatiques mondiales, l’UE a encore beaucoup à faire si elle veut retrouver sa place d’antan.

Crédit photo 2 : auteur introuvable, Wikimedia Commons / no change made, Creative CommonsAttribution – Partage dans les Mêmes Conditions 3.0 (non transposée)

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