Par Grégoire Pradelle
Ce mercredi 30 décembre 2020 restera un grand jour pour nombre d’Argentins. En effet, ce jour marque le vote d’une loi légalisant l’avortement dans tout le pays. Après plus de douze heures de débat au sein du sénat, la loi a été approuvée avec une majorité de 38 votes contre 29.
Un vote historique
Ce projet de loi pour l’avortement n’est pas le premier proposé par le gouvernement. En effet, en 2018, un projet de loi très similaire avait été porté par le gouvernement devant le sénat. Celui-ci avait été rejeté avec 38 votes contre et 31 pour.
Cependant en 2020, poussé notamment par une jeune élue du parlement local de Buenos Aires, Ofelia Fernández, le gouvernement de Alberto Fernández - qui n’a aucun lien familial avec Ofelia - a présenté le 29 décembre une loi légalisant l’avortement devant le sénat. Seulement 70 des 72 sénateurs ont participé au vote car deux sénateurs étaient absents. L’un est mis en examen et l’autre est actuellement hospitalisé.
Les résultats sont tombés à 4h du matin en Argentine. Sur la place devant le sénat se tenaient des milliers de militants “pro choice” (qui soutiennent l’avortement et portent du vert) et de “pro life” (qui portent du bleu clair). Alors que les foules de supporters de la loi criaient de joie, un silence planait sur la seconde moitié de la place.
Un contexte défavorable
Le résultat du vote n’a pas été facile à obtenir. En effet, l’Argentine est un pays où l'influence de la religion catholique est forte. Par ailleurs, le pape François, qui est d’origine argentine, a notamment tweeté à ce propos : « le Fils de Dieu est né rejeté pour nous dire que toute personne rejetée est un enfant de Dieu. Il est venu au monde comme un enfant vient au monde, faible et fragile, afin que nous puissions accepter nos faiblesses avec tendresse. » Ce tweet a été interprété par les médias argentins comme un commentaire en défaveur de cette loi. Ceci est notamment dû au timing du post, correspondant à juste avant le début du vote.
Ainsi, l’Argentine est le troisième pays en Amérique latine à légaliser l’avortement. Ceci pourrait donner de l’espoir aux autres mouvements pro-IVG des pays voisins. D’après l’analyse sur le sujet de Juan Pappie, chercheur sur les Amériques à Human Rights Watch, “L’adoption d’une loi qui légalise l’avortement dans un pays catholique aussi grand que l’Argentine va dynamiser la lutte pour garantir les droits des femmes en Amérique latine”.
Divisions sociétales
Le mouvement pro-choice est rallié sous la bannière du mouvement féministe « green wave » qui a rassemblé depuis la défaite de 2018 toutes les associations pro-choice. Ce mouvement a aussi été soutenu par de nombreuses personnalités telle que Ingrid Beck, une journaliste et écrivaine qui a travaillé à défendre le mouvement.
Le mouvement pro life est centré autour de l'Église catholique argentine qui possède - comme dans de nombreux pays d’Amérique du sud - une forte influence sur la population. Leur position est très clairement expliquée par Père Guillermo Marcó, ancien porte-parole du pontificat argentin "Abortion is not a solution for the mother or for the unborn child".
Des spécificités
Tout d’abord, l’avortement an Argentine était déjà autorisé en cas de viol ou si la vie de la mère était mise en péril, selon une loi de 1921. De plus, d’après le gouvernement argentin, le nombre d’avortements clandestins effectués chaque année se situe entre 370 000 et 520 000, et environ 38 000 femmes sont hospitalisées pour complications à la suite d’un avortement clandestin.
Cette nouvelle loi autorisera la pratique de l’avortement gratuitement et sans conditions. De plus, elle fixe la limite de période d’avortement à 14 semaines de grossesse. Toutefois, afin d’obtenir une majorité au sénat, le gouvernement a inclus un droit d’objection de conscience que les médecins peuvent invoquer s’ils ne veulent pas pratiquer cette opération. Une autre loi sera aussi débattue par les sénateurs afin de créer une allocation de 1000 jours ayant pour but de soutenir les parents et éviter autant que ce peut les avortements pour raison financière.
Crédit photo 1 : Lara Va, Wikimedia Commons / No change made, Creative CommonsAttribution-Share Alike 4.0 International license.
Crédit photo 2 : Lara Va, Wikimedia Commons / No change made, Creative CommonsAttribution-Share Alike 4.0 International license.
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